Интернет для джихадистов. Oт органа пропаганды к центру оперативного управления [Internet pour les djihadistes. De l’organe de la propagande à la plateforme opérationnelle]
Dans cet article publié par la principale revue russe de relations internationales, Marc Hecker analyse la manière dont les groupes djihadistes – en particulier Daech – utilisent le web. Internet apparaît non seulement pour eux comme un vecteur essentiel de propagande mais il est également devenu une véritable plateforme opérationnelle.
La mouvance djihadiste internationale s’est mise à utiliser Internet très tôt. Dès 1991 est créé le site Islamic Media Center (IMC) sur lequel on trouve aussi bien de la propagande que des conseils opérationnels. Si IMC soutient les causes djihadistes, il n’émane pas pour autant d’une initiative d’Al Qaïda. Il faut attendre février 2000 pour que cette organisation dispose de son propre site web, maalemaljihad.com, suivi en mars 2001 par alneda.com. Quelques semaines plus tard, Al Qaïda lance sa propre agence de production audiovisuelle, As-Sahab. Le nombre de vidéos produites croît rapidement : 6 en 2002, 11 en 2003, 14 en 2004, 16 en 2005, 58 en 2006 et 97 en 2007.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis et leurs alliés déclenchent l’opération « Enduring Freedom ». En quelques semaines, le régime des Talibans s’effondre et Al Qaïda perd son sanctuaire afghan. Les camps d’entraînement djihadistes sont détruits et nombre de combattants sont tués ou arrêtés. Oussama Ben Laden et Ayman al Zawahiri sont obligés de fuir. Pour survivre, Al Qaïda se transforme d’une organisation centralisée et hiérarchisée en une mouvance décentralisée. La première « filiale » d’Al Qaïda est ouverte en Irak en 2004, sous l’autorité d’Abou Moussab al Zarqaoui. La décentralisation s’opère également sur Internet avec la création de la « fondation Al Furqan pour la production médiatique » en octobre 2006, peu après la création de l’Etat islamique en Irak. Le même modèle est observé pour les autres « filiales » comme Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) qui se dote d’un organe de production appelé « institut Al Andalus de production médiatique ».
La décentralisation sur le web de la mouvance djihadiste est favorisée par deux autres phénomènes. Premièrement, les grands sites liés à Al Qaïda se révèlent particulièrement instables. Ils font en effet l’objet d’attaques ou de procédures répétées de services gouvernementaux ou d’activistes. C’est ainsi qu’alneda.com cesse ses activités en 2002 avant de rouvrir sous un autre nom. La duplication des contenus – par la création de « sites miroirs » ou par la reprise partielle de données sur des sites de sympathisants – est, dès le début des années 2000, vue comme une manière de renforcer la résilience de la présence djihadiste sur Internet. Deuxièmement, les évolutions technologiques contribuent à la décentralisation. En effet, le passage du web 1.0 au web 2.0 est dû au développement de technologies qui facilitent la mise en ligne de contenus. Nombre de consommateurs de données numériques – qui se contentaient de lire des sites web écrits par d’autres – se transforment alors en producteurs. Les organisations radicales n’échappent pas à cette tendance : le djihad 2.0 se matérialise d’abord par la multiplication des forums islamistes puis par une présence impressionnante des groupes djihadistes sur les réseaux sociaux. Au début de l’année 2015, environ 46 000 comptes Twitter seraient utilisés par des membres ou des sympathisants de l’Etat islamique (EI).
Pour télécharger l'intégralité de cet article en russe, cliquez sur le lien suivant: http://www.globalaffairs.ru/number/Internet-dlya-dzhikhadistov-17741
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesTransparence du champ de bataille : retrouver les clés de la manœuvre
Fin 2023, le général Zalouzhny évoquait les raisons du blocage tactique expérimenté en Ukraine, décrivant sans la nommer la situation de "transparence" du champ de batailler dans laquelle "nous voyons tout ce que fait l'ennemi et lui voit tout ce que nous faisons".
Réarmement nucléaire en Russie, en Chine et aux États-Unis : vers une dissuasion tripolaire ?
Ce numéro de Questions Internationales s'intéresse au regain de la menace nucléaire. Comment éviter une escalade incontrôlable ? La course aux armements nucléaires est relancée, avec la Russie, les États-Unis et la Chine en première ligne. Cette compétition pose la question cruciale de l'équilibre des forces et des risques afférents. En effet, la dissuasion nucléaire, longtemps considérée comme un facteur de paix, est aujourd'hui remise en question. Quels sont les défis qui pèsent sur son efficacité ?
De Cuba à l'Ukraine : le signalement stratégique et la dissuasion nucléaire
Le signalement stratégique – ensemble de signes et de manœuvres visant, hors temps de guerre, à rendre crédible la menace d'usage des instruments nucléaires – est de retour.
La frappe dans la profondeur : un nouvel outil pour la compétition stratégique ?
Atteindre la profondeur du dispositif ennemi pour l’affaiblir et faciliter l’obtention d’un résultat opérationnel ou stratégique est un objectif majeur des armées. Quels sont les moyens nécessaires pour mener des frappes dans la profondeur dans un double contexte de haute intensité et de renforcement des défenses adverses ?