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L’Europe et la Palestine : des croisades à nos jours

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Cet épais ouvrage, paru en 1999, constitue une somme historique non négligeable sur le Proche-Orient et les interférences européennes dans la région. L’auteur expose en préface un projet à la fois ambitieux et nécessaire: retracer le rôle joué de façon continue par les puissances européennes dans le découpage de l’espace territorial, la formation des identités et l’équilibre des forces en Palestine.
En pratique, L’Europe et la Palestine est plutôt une histoire personnalisée de la Palestine. Derrière l’affirmation précoce (p. 8) que 'l’Autre est une dimension du Moi' pourrait se profiler une réflexion de nature psychanalytique, aux échos peut-être culturalistes, à tout le moins alléchante pour le lecteur en ces temps de revival huntingtonien. En réalité, l’ouvrage se développe comme un récit chronologique centré sur la Palestine. La Palestine, sous ses différentes formes historiques, tient en effet, de loin, le premier rôle dans ce récit qui problématise assez peu les positions européennes. De lecture assez facile, le livre regorge de détails, textes et anecdotes. Ses sources sont souvent journalistiques ou littéraires, mais également légales (de très nombreux textes du droit international et communautaire sont cités in extenso). L’intérêt de l’ouvrage réside ainsi surtout dans son aspect documentaire, de nombreux épisodes mal connus étant mis en lumière de façon plutôt complète.
La partialité de l’auteur est posée d’emblée et permet au lecteur de partager les interrogations, les inquiétudes et les révoltes d’un intellectuel palestinien engagé. Nous suivons ainsi l’évolution, de l’intérieur, de la cause palestinienne, l’effort d’affirmation d’un peuple dont les Israéliens nient d’abord la 'présence' et donc implicitement l’existence (p. 142), l’expression d’une cause d’abord 'prise au piège de la guerre froide interarabe' (p. 219), puis progressivement autonomisée jusqu’à une institutionnalisation inachevée. Rédigé en 1999, l’ouvrage est évidemment porteur de nombreuses questions sur l’échec du processus de paix.
L’auteur signale qu’il a 'veillé à rendre le style alerte, le langage sobre et l’idée transparente'. L’ouvrage se prête effectivement à une lecture cursive, mais on regrettera ici et là des familiarités de langage ou de style. Le récit est en fait émaillé de prises de position personnelles, passionnelles et parfois excessives. Il serait certes difficile de demander à un protagoniste des événements une neutralité totale. Mais certains jugements de valeur risquent de heurter le lecteur européen moyen. Est-il par exemple bien nécessaire d’insister sur 'le profond mépris des puissances occidentales pour la dignité des peuples arabes' en 1948, ou encore d’affirmer que 'le mépris de l’Arabe (...) est une constante du national-catholicisme-eurocentrisme franquiste', pour ensuite exposer paradoxalement les bases de l’amitié entre le régime franquiste et ses interlocuteurs arabes de l’époque? La charge n’étant pas entièrement partiale, l’auteur signale également que le tournant de la guerre du Kippour a rompu 'l’équilibre établi depuis 1948 (...) sur l’incapacité congénitale des Arabes à se battre et à gagner'. En fin de compte, la provocation, dans l’expression comme sur le fond, nuit certainement à la transmission du message.
Si les aléas de la cause palestinienne sont documentés avec précision, les actions et réactions européennes sont en revanche exposées de façon plus superficielle. Il est évidemment très utile de rappeler la place centrale qu’a tenue le conflit israélo-arabe dans les débats de la coopération politique européenne, ancêtre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESD). La difficulté communautaire à s’engager plus avant dans la résolution du conflit au cours des années 1990 mériterait en revanche d’être analysée de façon plus fouillée. L’auteur martèle à l’envi que l’aide européenne à l’Autorité palestinienne sert uniquement à 'couvrir le coût de la politique israélienne d’occupation', mais il ne détaille pas les intentions et les moyens déployés par l’Europe via cette aide financière d’exception. De même, un chapitre entier est consacré au travail du Parlement européen sur le dossier palestinien, sans que l’on comprenne bien si la contribution de cette institution est substantielle ou non. Les relations entre les différentes institutions européennes, mais aussi la concurrence entre les diplomaties bilatérales et le canal communautaire, sont pourtant des pistes de recherche essentielles pour qui s’intéresse à la politique de l’Europe au Proche-Orient.
Pour le lecteur, une question demeure en effet et s’impose aujourd’hui de façon de plus en plus urgente: qu’attendent exactement de l’Union européenne les protagonistes du conflit israélo-arabe? Quel degré d’implication européenne, et sous quelle forme, souhaiteraient notamment les Palestiniens? Si l’auteur tire des 'enseignements' (p. 520 et suiv.) assez convaincants de l’impuissance européenne dans la région, on regrettera qu’il ne suggère pas de solutions concrètes, quitte à lancer quelques pavés dans la mare. Au final, cet ouvrage satisfera donc le lecteur avide de détails et soucieux de se renseigner précisément sur certains épisodes du processus de construction nationale palestinien. Il lui restera à formuler lui-même des conclusions pour un éventuel futur rôle de l’Europe dans la région.

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L’Europe et la Palestine : des croisades à nos jours, de L'Ifri par
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