Un « croissant chiite » en miettes ? L’évolution de l’influence régionale de l’Iran depuis 1979
Depuis son apparition en 2004, l’expression « croissant chiite » a rapidement gagné en popularité pour décrire l’influence iranienne au Moyen-Orient au travers des populations chiites. S’il permet certes de mieux comprendre l’importance du chiisme, autant comme religion que comme idéologie politique, en Irak ou au Liban, le terme ignore la diversité de cette influence, et sa fragilité grandissante. En effet, sur le plan stratégique, les milices chiites comme le Hezbollah ou l’organisation Badr apparaissent comme les principaux ciments de ce « croissant chiite », notamment pour constituer un corridor logistique de l’Iran à la Méditerranée. Cependant, les guerres successives contre Israël, les États-Unis ou Daech ont permis à ces milices de gagner en indépendance vis-à-vis de Téhéran, et remettent donc en question la pertinence du « croissant chiite ».
En novembre 2004, lors d’un entretien avec la presse américaine, le roi Abdallah II de Jordanie s’inquiète de la possible création d’un « croissant chiite » (Shia crescent) au Moyen-Orient, à la faveur des élections irakiennes à venir. Après la chute de Saddam Hussein provoquée par l’invasion américaine, les partis politiques chiites, portant la voix de la majorité chiite irakienne opprimée pendant des dizaines d’années, sont susceptibles de remporter un large succès, et donc de faciliter l’implantation de l’Iran en Irak, puis dans d’autres pays de la région.
L’expression gagne rapidement en popularité dans les milieux académiques et gouvernementaux occidentaux, mais aussi chez les élites sunnites du Moyen-Orient, qui voient dans cette formule une simplicité et une crédibilisation par un souverain de leurs propres inquiétudes face au poids de l’Iran dans l’équilibre régional. Le « croissant chiite » s’ajoute ainsi à « l’axe du mal » de G.W. Bush, expression elle aussi éminemment religieuse et dont le dernier subside encore debout au Moyen-Orient, l’Iran, fait partie. Cependant, le gouvernement de Téhéran réfute cette idée d’un « croissant chiite », lui préférant, pour les plus optimistes, la « pleine Lune chiite » (soit une hégémonie chiite sur la région), ou se montre au moins critique, tel le président Rouhani qui lui préfère l’idée d’une « oumma » musulmane unie malgré les divisions entre les sunnites et les chiites.
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