Que signifie l’aide militaire accordée par les États-Unis à Taïwan ?
Alors que Xi Jinping plaide pour la « réunification complète », le président américain Joe Biden accorde une aide de plus d’un demi milliard de dollars à Taïwan. Ces dernières années, le soutien américain s’est intensifié et le camp démocrate s’empresse de poursuivre sur cette dynamique avant l’élection présidentielle.
C'est une enveloppe pour la défense taïwanaise accordée sans plus de détails par le président américain. Si cela fait longtemps que Washington équipe l’île, elle devait payer les équipements. Depuis fin 2022, une loi passée au Congrès a permis le retour des aides militaires. 567 millions de dollars de matériel ont été octroyés pour la défense taïwanaise, a fait savoir, ce 30 septembre, la Maison Blanche.
« Il s’agit d’un financement alloué directement par le président qui mandate son secrétaire d’État de fournir cette aide-là. C’est l’équivalent d’un décret, explique Marc Julienne, directeur Asie à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Je spécule, mais ça pourrait être des avions de combat, ou alors des pièces nécessaires à leur maintenance. Mais aussi des systèmes de défense aériens comme des drones. On a pu constater leur importance sur le théâtre ukrainien ».
Une liste des courses révélatrices des débats internes à Taïwan sur les besoins de la défense de l’île pour dissuader ou affronter une hypothétique invasion de l’Armée populaire de libération (APL, armée chinoise). Faut-il investir dans de l’équipement léger, peu cher, que l’on peut produire en masse en assumant l’asymétrie des forces avec Pékin, ou également des programmes lourds et coûteux d’armements plus significatifs ? Le professeur de diplomatie à l’université nationale Chengchi de Taipei, Huang Kwei-bo, estime que les deux sont complémentaires.
« Taïwan a un besoin urgent de missiles surface-air, de blindés etc.. Pour pouvoir empêcher l’armée chinoise de débarquer sur l'île. Le gouvernement américain essaie de renforcer Taïwan avec beaucoup de systèmes d’armement à courte portée, mais beaucoup pensent que Taïwan doit se diversifier avec des avions et des sous-marins, assure l’ex-secrétaire adjoint du KMT (Parti nationaliste, historiquement partisan du dialogue avec Pékin), les deux partis doivent s’asseoir pour discuter des besoins de l’île ». Sa formation politique n'est plus aux affaires depuis 2016, mais ils sont nombreux en son sein à défendre l’achat d’équipements lourds. La Défense taïwanaise attend la première livraison de tanks M1A2T Abrams et a lancé un programme sous-marin. Mais face à l’évolution des théâtres de guerre, « les États-Unis font pression sur Taïwan pour prioriser les programmes peu coûteux, faciles à produire en masse, afin de saturer une éventuelle attaque », explique Marc Julienne.
Quelle que soit sa nature, cette enveloppe a été accordée quelques semaines avant l’ouverture d’une possible période d’incertitude autour de la relation entre Taipei et Washington.
« Il y a sans doute une forme d’urgence à faire passer cette importante aide avant une éventuelle alternance à la Maison Blanche », pointe le directeur Asie à l’Ifri.
Les propos de Donald Trump cet été ont de quoi alarmer Taïwan. « Ils nous ont pris 100% de notre industrie des micro puces. Je pense que Taïwan devrait payer pour sa défense », a lancé le candidat républicain à Bloomberg Businessweek en juillet. Une sortie qui tranche avec l’image plutôt positive dont semble bénéficier l’ancien-président auprès des 23 millions d’habitants e la 8ᵉ puissance économique asiatique. « Taïwan est l’endroit qui montre le soutien le plus marqué à Donald Trump en Asie, tempère le professeur Huang. Car en tant que président, Donald Trump a affiché un soutien marqué à l’île. Et à Taipei, l’arbitrage entre une présidence Kamala Harris et Donald Trump n’est pas aussi tranchée que l’on pourrait croire, estime Marc Julienne.
« L’administration Trump a été l’administration américaine qui a peut-être le plus soutenu Taïwan. Ce soutien a été prolongé par Joe Biden, mais ils ne gardent pas une mauvaise image de Trump ».
Mais pour Huang Kwei-bo, une victoire du républicain ferait tout de même basculer l’île dans l’incertitude. « S’il gagne, tout sera imprévisible. Peut-être que les États-Unis montreront plus de soutien à Taïwan, peut-être qu’il réduira son soutien pour améliorer la relation avec Pékin, personne ne sait… » Une deuxième option qui trancherait nettement avec la politique chinoise des États-Unis ces dernières années.
« Il y a un assez large consensus entre républicains et démocrates pour considérer que la Chine est l’adversaire numéro un contre lequel il faut avoir une politique ferme, rappelle Marc Julienne. Et donc en général, cela signifie soutenir Taïwan dans cette opposition à la Chine populaire. »
>>> Lire l'article dans son intégralité sur le site de RFI
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