Proche-Orient : l’impossible escalade
Au Proche-Orient, entre menace d'embrasement et forme de dissuasion, la confrontation est-elle sans issue entre Israël, le Hamas, le Hezbollah, l'Iran et les Etats-Unis ? Quelle place des récits dans ces affrontements ? Quel rôle Washington peut-elle vraiment jouer dans les négociations ?
Au bord de l'embrasement ?
En cette fin d'été, sur tous les fronts qui nous préoccupent, les conflits durcissent sans issue apparente. Au Proche-Orient, les principaux protagonistes continuent de se livrer à une chorégraphie mortifère, et le tempo s’accélère.
D'Israël au Hamas, du Hezbollah à l'Iran et aux Etats-Unis, aucun ne semble avoir les moyens, la volonté ou même l’intérêt d’imposer une conclusion militaire ou une solution politique à une confrontation sanglante qui, sur le terrain, génération après génération, nourrit la haine et entretient la vengeance. De fait, les affrontements montent en intensité et l’embrasement régional menace à chaque épisode. C'est ainsi que, le weekend dernier, le Hezbollah libanais lançait sur le nord de l’état hébreu une pluie de roquettes stoppée nette par des frappes préventives israéliennes.
Et ces trois derniers jours, une opération massive de Tsahal s'est déroulée dans le nord des territoires occupés en Cisjordanie pour éliminer des dirigeants du Fatah et du Djihad islamique soupçonnés d’organiser des cellules terroristes, au prix de nombreux morts et de villages détruits. En outre, Alain Dieckhoff constate une forme de continuité dans la “stratégie de grignotage permanent” de l’Etat d'Israël dans les territoires occupés. Ayant cours en particulier en Cisjordanie, cette stratégie a encore accéléré depuis le 7 octobre 2023, parallèlement aux actions de l'armée.
Des récits et des armes
Dans cette situation, la guerre des récits bat son plein, chaque partie utilisant tous les ressorts des conflits contemporains, cyber et désinformation inclus. En outre, les arsenaux sont au plus haut : le Hamas parvient encore à attaquer Israël après onze mois de destruction à Gaza tandis que l’Iran accroît sa production d’uranium enrichi sans avoir encore réagi à l’assassinat du chef politique du Hamas perpétré à Téhéran à la fin du mois de juillet. Les Etats-Unis continuent quant à eux de livrer des armes à Israël tout en multipliant leurs efforts diplomatiques pour obtenir une trêve à Gaza. De fait, aujourd’hui encore, les négociations continuent au Caire.
Mais une forme de dissuasion ?
Pourtant, alors que le risque d’engrenage s’accélère, tout se passe comme si une forme de dissuasion s’était mise en place, qui n’épargne pas les vies mais évite l’Armageddon. Comme le dit Karim Émile Bitar depuis le Liban, “nous sommes passés très près de l'apocalypse”.
La rationalité l’emporterait-elle dans cet Orient compliqué ? Contrôle ou impuissance, comment interpréter la situation dans la région près de onze mois après le 7 Octobre ? Selon Héloïse Fayet, tous les acteurs de la région, sauf peut-être Israël, ont intérêt à se présenter comme étant rationnels et ayant d’abord en tête l’intérêt de leur peuple. De son côté, Justin Vaïsse évoque les nouvelles règles avec lesquelles les Etats-Unis doivent composer. Car, comme il le dit, “les règles traditionnelles des rapports de force militaires au Moyen-Orient sont en train de changer”
Avec
- Alain Dieckhoff Directeur de recherche au Centre d’études internationales Sciences Po
- Karim Émile Bitar Professeur de relations internationales à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste du Moyen-Orient et de la politique étrangère des États-Unis
- Héloïse Fayet Chercheuse à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de l’Iran
- Justin Vaïsse Historien, Fondateur et Directeur général du Forum de Paris sur la Paix
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