Au lendemain de la crise : les objectifs d'émissions de GES de l'Union européenne en 2013 et 2020
De l'étude qu'achève le programme Gouvernance Européenne et Géopolitique de l'Energie1, cinq conclusions se dégagent qui méritent d'être connues des Européens :
(1) La crise conjoncturelle amorcée en 2008 pourrait conduire en 2013 à un Produit Intérieur Brut (PIB) de l'Union Européenne inférieur de 10% à celui qui semblait plausible avant la crise (et qui servait de base de calcul).
(2) De 1996 à 2007, le nombre de TEP (tonnes d'équivalent pétrole) consommées par rapport au PIB réel a fortement baissé dans les pays de l'UE à 27 par suite de l'évolution de la structure de l'économie et de l'amélioration de l'efficacité énergétique. Cette évolution est particulièrement significative pour la Pologne.
(3) En revanche, sur la même période, la quantité de CO2 émise par TEP consommée a peu varié ou très faiblement baissé. Trois groupes de pays sont particulièrement significatifs : la Pologne qui dépasse les 2 tonnes, l'Allemagne et le Royaume Uni qui se situent légèrement au-dessus des 2 tonnes et la France qui émet 1.4 tonnes à cause de son parc nucléaire. Ces chiffres montrent que les énergies renouvelables, malgré leur essor, n'avaient pas encore eu sur la période une influence significative.
(4) En se limitant à l'UE à 15, et en supposant que le protocole de Kyoto se borne à considérer les émissions sur le territoire de l'Union (ce qui n'est pas exact à cause des mécanismes additionnels), l'espoir européen était d'avoir réduit à la fin de 2012 de 8% leurs émissions de GES par rapport à l'année de référence, la réduction ayant été de 5% de 1990 à 2007. Dans ces conditions,
a. Avant la crise de 2008, il paraissait difficile que la baisse d'émissions dépasse 6.5% au maximum de 1990 à 2012.
b. La crise conjoncturelle, avec une lente reprise à partir de 2010-2011, devrait au contraire permettre d'atteindre les 8% de réduction sur la période 1990-2012
(5) Si l'on revient à l'UE à 27 et si l'on considère l'objectif que s'est donné l'Europe de baisser ses émissions de 20% par rapport à 1990, les projections supposent trois séries d'hypothèses :
a. La première doit porter sur le taux de croissance du PIB de 2014 à 2020 (en retenant jusqu'en 2014 les chiffres du FMI)
b. La seconde considère l'intensité énergétique et son évolution de 2007 à 2020
c. La troisième concerne la projection des tonnes de CO2 émises par TEP consommée
En matière de croissance il est loin d'être évident que la croissance européenne après la crise s'effondre significativement par rapport à la tendance du long terme et nous avons retenu 2.2% en taux de croissance annuel moyen (au lieu des 2.4% d'avant la crise).
En ce qui concerne l'intensité énergétique et le niveau d'émission de CO2 par TEP, nous avons fait une projection en supposant que l'amélioration se poursuivait en suivant les tendances observées de 1996 à 2007. On obtient alors comme chiffre d'émissions de GES provenant de la consommation d'énergie le chiffre de 3274 Millions de tonnes.
Par comparaison, l'Agence Internationale de l'Energie a annoncé qu'elle publierait fin novembre deux estimations pour l'UE-27 :
- Les émissions probables susceptibles de résulter de l'application des mesures décidées à la mi-2009 : 3600 Millions de tonnes
- Les émissions qui paraitraient nécessaires pour que l'UE contribue à l'installation au niveau mondial d'un plafond d'émissions à 450 ppm : 3100 Millions de tonnes.
Note conjecture n'est pas incohérente avec celles de l'AIE.
Il faut toutefois remarquer que nos hypothèses concernant la baisse de l'intensité énergétique et des émissions par TEP peuvent se révéler optimistes. En particulier, l'amélioration des émissions par TEP résulte principalement de l'évolution des conditions de production d'électricité, ce qui demande des investissements et du temps. Investissements et temps que sous-estiment souvent ceux qui connaissent mal ce secteur.
L'analyse de l'étude de l'Ifri confirme que c'est dans la décennie 2020-2030 que se jouera l'essentiel avec l'introduction progressive des sources émettant peu de carbone dans l'électricité, les bâtiments et les transports.
1Implementing the EU Climate and Energy Package with the Economic Crisis: How Does the Crisis Change EU's Greenhouse Gas Emission Scenarios by 2020? Par Cécile KEREBEL. Cette étude sera publiée très prochainement.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLes marchés du carbone peuvent-ils faire une percée à la COP29 ?
Les marchés volontaires du carbone (MVC) ont un potentiel élevé, notamment pour réduire le déficit de financement de la lutte contre le changement climatique, en particulier en Afrique.
Le secteur électrique indien à la croisée des chemins : relever les défis des distributeurs d'électricité
Le secteur électrique indien a besoin d’une réforme urgente.
L’approvisionnement énergétique de Taïwan : talon d’Achille de la sécurité nationale
Faire de Taïwan une « île morte » à travers « un blocus » et une « rupture de l’approvisionnement énergétique » qui mènerait à un « effondrement économique ». C’est ainsi que le colonel de l’Armée populaire de libération et professeur à l’université de défense nationale de Pékin, Zhang Chi, décrivait en mai 2024 l’objectif des exercices militaires chinois organisés au lendemain de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te. Comme lors des exercices ayant suivi la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022, la Chine avait défini des zones d’exercice faisant face aux principaux ports taïwanais, simulant de fait un embargo militaire de Taïwan. Ces manœuvres illustrent la pression grandissante de Pékin envers l’archipel qu’elle entend conquérir et poussent Taïwan à interroger sa capacité de résilience.
La difficile réorganisation des chaînes de valeur des matières premières critiques – regards sur les politiques européennes de réduction des risques
La demande de matières premières critiques devant, au minimum, doubler d’ici 2030 dans le contexte des politiques actuelles de transition énergétique, la concentration des approvisionnements en matières premières critiques (MPC) – et plus encore, des capacités de raffinage – dans une poignée de pays est devenue l’une des questions fondamentales au sein des discussions internationales, bilatérales et nationales. La position dominante de la Chine et les contrôles successifs des exportations de MPC (récemment le germanium, le gallium, les technologies de traitement des terres rares, l’antimoine) indiquent une tendance à l’instrumentalisation des dépendances critiques.