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La politique chinoise d’Emmanuel Macron : L’abandon des illusions et le retour à la Realpolitik

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Si l’on avait des attentes raisonnables, on peut estimer que la visite d’État de Xi Jinping en France les 6 et 7 mai a été un succès, du moins elle n’a pas été un échec.

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 General Secretary of the Communist Party of China Xi Jinping meeting with President of France Emmanuel Macron and President of the European Commission Ursula von der Leyen, during Xi's visit to France.
General Secretary of the Communist Party of China Xi Jinping meeting with President of France Emmanuel Macron and President of the European Commission Ursula von der Leyen, during Xi's visit to France.
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Si la visite n’a pas apporté de résultats concrets sur des questions clés comme l’Ukraine ou les différends commerciaux, ce sommet marque une évolution significative dans la politique du président Emmanuel Macron à l’égard de la Chine.

En avril 2023, il y a un an seulement, le président français s’était rendu en Chine avec l’objectif de relancer la relation bilatérale après la pandémie du Covid-19. À l’exception de la question ukrainienne, la coopération commerciale avait alors dominé les discussions, malgré la maigre récolte de contrats signés. En outre, l’« amitié » entre Macron et Xi fut également largement mise en scène tandis que la propagande chinoise avait la mainmise sur la communication. Enfin, dans une interview lors du vol retour, le président français avait déclenché la polémique en reprochant aux États-Unis d’alimenter les tensions en Asie de l’Est, semblant sous-estimer les conséquences qu’une crise dans le détroit de Taïwan pourrait avoir sur les intérêts français[i].

À l’inverse, la visite de cette année a été marquée par une tonalité plus austère. Respectueux et cordial avec son homologue, Emmanuel Macron a néanmoins réfréné les sourires et démonstrations excessives d’amitié. Il s’est montré plus distant et plus franc, s’abstenant de faire la moindre déclaration controversée et évitant les tirs fratricides envers les alliés et partenaires de la France. L’ordre du jour était avant tout politique, même sur les questions a priori de nature économique.

Le président français a certes invité Xi Jinping dans les Pyrénées, sur les terres de son enfance. Il a ainsi voulu montrer à son homologue qu’il tenait en haute estime la relation personnelle qu’il entretient avec lui et qu’il restait ouvert et constructif à l’égard de la Chine, mais que les intérêts de la France en termes de sécurité et d’économie seraient préservés à tout prix.

L’Ukraine

Sur le dossier ukrainien, l’Élysée a poursuivi son double objectif : convaincre le président Xi d’user de son influence sur Vladimir Poutine d’une part, et le dissuader de fournir des armes ou une aide militaire directe à la Russie d’autre part. Une analyse plus réaliste indique pourtant que l’intérêt principal de la Chine est de rester en dehors de la guerre avant tout. Ainsi, Pékin ne s’aventurera pas à aider l’Union européenne (UE) contre son partenaire stratégique russe et il est peu probable qu’elle fournisse des armes à Vladimir Poutine, risquant de s’exposer aux sanctions économiques de l’Occident.

À Paris, le président chinois a paru agacé par les tentatives des Européens d’impliquer la Chine dans la guerre. Lors d’une rencontre avec la presse à l’Élysée, il a déclaré qu’il s’opposait à « l’utilisation de la crise ukrainienne pour jeter la responsabilité sur d’autres, salir un pays tiers et déclencher une nouvelle guerre froide », une formulation plus sévère que celle utilisée dans sa tribune au Figaro : « La Chine n’est pas à l’origine de cette crise, et elle n’y est pas non plus partie ou participante[ii]. »

Bien que Pékin ne fournisse pas d’armes létales à Moscou, la France ne se fait pas d’illusion sur le fait que le soutien économique de la Chine est essentiel à l’effort de guerre russe en Ukraine. Le président français et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont appelé la Chine à réduire les livraisons de biens à double usage à la Russie qui finissent sur le front ukrainien. Ils ont également précisé que cela affectait les relations entre l’UE et la Chine[iii].

Xi Jinping a au moins appuyé la proposition de Macron d’une trêve pendant les Jeux olympiques de Paris cet été. Il a également accepté de se coordonner avec le président français avant d’accueillir Poutine en Chine dans les prochains jours. Ces résultats sont modestes et manquent d’engagements concrets, mais la Chine semble accorder plus de crédit à Paris lorsque cette dernière affirme que le conflit en Ukraine constitue une menace existentielle pour la sécurité de l’UE et que l’Ukraine ne peut pas perdre.

Sans surprise, il n’y a pas eu de déclaration conjointe sur l’Ukraine, bien qu’il y en ait eu une assez intéressante sur la situation au Moyen-Orient, où les positions communes sont plus claires : protection des civils, opposition à l’offensive israélienne sur Rafah et au déplacement forcé de civils, cessez-le-feu immédiat et promotion d’une solution à deux États[iv].

Pas d’illusion sur le commerce

Le plus important changement dans l’approche chinoise d’Emmanuel Macron concerne les relations économiques avec la Chine. S’éloignant de la politique d’engagement économique focalisée sur les contrats, le président français a mis l’accent sur les déséquilibres en matière commerciale, d’investissement et d’accès au marché, ainsi que sur la concurrence déloyale.

La France se retrouve en première ligne dans le conflit commercial qui oppose l’UE à la Chine. Paris soutient ouvertement la politique de « de-risking » de l’UE vis-à-vis de Pékin et ne cache pas sa crainte de voir les véhicules électriques chinois subventionnés inonder le marché européen, mettant en péril l’industrie automobile française.

En conséquence, Pékin considère la France comme l’instigatrice de l’enquête de la Commission européenne sur les subventions dans le secteur des véhicules électriques chinois et comme une promotrice active des politiques européennes de protectionnisme industriel. En représailles, la Chine a lancé une enquête sur les subventions du secteur des eaux-de-vie de vin européennes, dont 96 % du volume exporté vers la Chine provient de France. La Chine nie toutefois tout lien entre les enquêtes européenne et chinoise.

Emmanuel Macron sait désormais qu’il n’y a pas d’alternative à un rapport de force économique avec la Chine. Une guerre commerciale n’est pas souhaitable, mais la France et l’UE doivent s’y préparer, et s’y préparent.

Des visions antagonistes sur l’Europe

Bien qu’implicite, l’agenda européen mis en avant par chacun des deux chefs d’État est limpide. Emmanuel Macron a toujours placé la relation bilatérale avec la Chine dans le cadre de l’UE. Il a invité la présidente von der Leyen à une réunion trilatérale à l’Élysée, comme il l’avait fait l’année dernière en Chine, et à Paris en 2019 avec Jean-Claude Juncker et Angela Merkel. C’est donc un message d’unité européenne qu’il envoie à Xi Jinping.

Pour sa part, Xi a choisi pour le reste de sa tournée européenne les pays d’Europe les plus illibéraux, eurosceptiques et anti-américains : la Serbie et la Hongrie. En Serbie, pays non-membre de l’UE, il a commémoré le 25e anniversaire du bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade par l’aviation américaine. En Hongrie, pays membre de l’UE, le président chinois a poursuivi sa politique de « diviser pour mieux régner » en exploitant les dissensions européennes. La visite d’État de trois jours (un de plus qu’en France) a abouti à l’élévation de la relation bilatérale au niveau de « partenariat stratégique global par tous les temps dans la nouvelle ère ».

Quel avenir pour les relations franco-chinoises ?

Les différends économiques sont profonds et ne seront pas résolus du jour au lendemain, ni par la France seule. C’est un dialogue long et difficile entre l’UE et la Chine qui s’est ouvert à Paris. Heureusement, l’UE dispose de plus en plus de moyens pour être crédible face à Pékin et répondre à la stratégie économique chinoise.

Néanmoins, certaines questions importantes n’ont pas été soulevées à l’occasion de la visite de Xi. Il n’y a pas eu de déclaration publique sur la situation dans le détroit de Taïwan, ni sur l’ingérence chinoise en France et en Europe. Cette dernière question est d’autant plus problématique que de nombreux cas d’espionnage et d’opérations d’influence chinoises ont été révélés récemment, notamment la tentative de la police chinoise de rapatrier de force un dissident chinois depuis la France en mars, ainsi que le piratage informatique de sept membres du Parlement français par le groupe de hackers APT31, lié au gouvernement chinois.

On peut regretter que la France n’ait pas actualisé sa politique envers la Chine plus tôt, mais il semble que le président français soit désormais conscient qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes relations avec Pékin, mais qu’il est également nécessaire de rétablir le rapport de force.

 

*Cet éditorial a été initialement publié en anglais sur le site de The Prospect Foundation[v].

 

[i]. N. Barré, « Emmanuel Macron : “L’autonomie stratégique doit être le combat de l'Europe” », Les Échos, 9 avril 2023, disponible sur : www.lesechos.fr.

[ii]. « Xi Jinping: “Je viens en France avec trois messages de la Chine” », Le Figaro, 5 mai 2024, disponible sur : www.lefigaro.fr.

[iii]. U. von der Leyen, « Press Statement by President von der Leyen Following the Trilateral Meeting with French President Macron and President of the People’s Republic of China Xi Jinping », Communiqué de presse, 6 mai 2024, disponible sur : https://ec.europa.eu.

[iv]. « Déclaration entre la France et la Chine sur la situation au Proche-Orient », Élysée, 6 mai 2024, disponible sur : www.elysee.fr.

[v]. M. Julienne, « Macron’s China Policy: Dropping Illusions and Bringing Back Realpolitik », The Prospect Foundation, 14 mai 2024, disponible sur : www.pf.org.tw.

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Contenu disponible en :

ISBN / ISSN

979-10-373-0870-2

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri
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L’Asie est le théâtre d’enjeux multiples, économiques, politiques et de sécurité. Le Centre Asie de l'Ifri vise à éclairer ces réalités et aider à la prise de décision par des recherches approfondies et le développement d’une plateforme de dialogue permanent autour de ces enjeux.

Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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L’essor du programme spatial taïwanais : Construire une industrie, soutenir la sécurité nationale

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Taïwan, connu pour son leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC), fait aujourd’hui des progrès significatifs dans l’industrie spatiale. Bien qu’historiquement modeste, le programme spatial taïwanais s’est transformé depuis 2020, sous l’impulsion de la présidente Tsai Ing-wen qui s’est engagée à développer les capacités spatiales du pays. Parmi les étapes clés figurent l’adoption de la loi sur le développement spatial et la création de l’Agence spatiale taïwanaise (TASA), qui a renforcé les ressources et la visibilité des ambitions spatiales de Taïwan.

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Faire de Taïwan une « île morte » à travers « un blocus » et une « rupture de l’approvisionnement énergétique » qui mènerait à un « effondrement économique ». C’est ainsi que le colonel de l’Armée populaire de libération et professeur à l’université de défense nationale de Pékin, Zhang Chi, décrivait en mai 2024 l’objectif des exercices militaires chinois organisés au lendemain de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te. Comme lors des exercices ayant suivi la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022, la Chine avait défini des zones d’exercice faisant face aux principaux ports taïwanais, simulant de fait un embargo militaire de Taïwan. Ces manœuvres illustrent la pression grandissante de Pékin envers l’archipel qu’elle entend conquérir et poussent Taïwan à interroger sa capacité de résilience.

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