Le traité budgétaire européen (TSCG) et la France : de l'utilité de maintenir l'attention
A l'heure où le Parlement français s'apprête à voter le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), autrement connu sous le nom de 'pacte budgétaire', il convient de clarifier quelques points. Plus généralement, la classe politique française doit prendre la mesure du débat européen : le pacte budgétaire ne doit être vu ni comme la solution à la crise, ni comme un repoussoir. Surtout, la France doit prendre conscience du décalage important entre l'enjeu du jour et l'évolution des débats : le débat d'aujourd'hui a six mois de retard !
Bref retour sur le traité. Annoncé en décembre dernier, signé en mars 2012, le TSCG traite de trois sujets : la discipline budgétaire, la coordination des politiques économiques, la gouvernance de la zone euro. Son principal objectif est de parer aux défaillances du pilier économique de l'union économique et monétaire - de compléter le pilier monétaire, autrement dit d’explorer des voies d'intégration rejetées lors des négociations du traité de Maastricht. En filigrane, l’espoir est aussi de redonner confiance aux marchés.
Il faut revenir sur son contexte. Il était devenu patent que la zone euro ne pouvait pas aller de l'avant sans une gouvernance économique renforcée. En outre, la solution allemande visait à privilégier des politiques d'austérité et de réformes structurelles, sur le modèle que l'Allemagne avait suivi quelques années plus tôt. Difficile à vendre politiquement, il s'agissait ainsi d'accroître l'intégration par la négative : adhérer à la lettre du traité ne débloque pas de fonds supplémentaires ni ne renforce les capacités européennes a priori, son objet est d'endiguer les déficits et les dettes, en contraignant les Etats à respecter certains principes.
En quoi le TSCG est-il donc utile ?
Bon an mal an, il n’est sans doute pas fondamental. Nombres de ses dispositions sont déjà inscrites dans les traités ou dans des règlements approuvés - notamment l’objectif d’une dette inférieure à 60% du PIB, ou d’un déficit public inférieur à 3% du PIB.
L’attention porte sur la "règle d'or" et la limite à 0,5% du déficit structurel. Ces novations exigent d'accepter un droit de regard des institutions européennes sur les politiques budgétaires et fiscales : c'est le prix de l'intégration. Et pourtant, en eux-mêmes, les instruments sont déjà en place : le Pacte de stabilité et de croissance, le semestre européen, le "six pack" sont déjà contraignants - ne pas les respecter nous met déjà sous le coup de possibles sanctions.
La France a un choix à faire, mais il n'est pas déterminant. Nous avons aujourd'hui un débat qui accuse un train de retard : le pacte budgétaire est le débat d'hier ! Ratifié ou non, nous devrons en respecter les principes bon gré mal gré. Le débat que nous avons aujourd'hui aurait dû se tenir voici six mois, avant que le traité ne soit signé et que l'on ne passe à l'étape suivante : le débat d'aujourd’hui, c'est l'union bancaire.
Quel que soit le choix, le positionnement doit être clair. Refuser ce traité pourrait ne pas être dramatique, si le gouvernement arrivait clefs en main avec une alternative crédible et soutenable. En théorie, un refus français n'arrêterait pas la ratification du traité - si au moins 12 pays le ratifient, il s'applique, mais pas à la France. Il semble que le Parlement s'oriente vers une large majorité en faveur du traité, mais il ne faut surtout pas croire que le travail est terminé. Au contraire ! Aujourd'hui, ce traité est un gage de confiance offert à Berlin : les optimistes diront que ce pourrait être le premier pas vers un changement d'état d'esprit allemand sur les euro-obligations. Aujourd'hui, seule la France possède à la fois une bonne relation avec Berlin, et le poids nécessaire pour fonder une coalition d'autres Etats-membres capable de pousser les Allemands à faire évoluer leur politique européenne. Il est donc important que le gouvernement, avec le soutien actif du Parlement, agite des options politiques et stratégiques en ce sens.
La ratification n'est pas une fin en soi ; c'est ce que la France sera capable de démontrer après qui importe. A quoi bon avoir le bon débat au mauvais moment ! En France, les débats sur l'Union européenne sont souvent clivants : pourquoi pas ? Pour restaurer légitimité et caractère démocratique à la construction européenne, le débat continu sur l'Europe est nécessaire - et c'est le rôle du Parlement de s'en assurer, et au gouvernement de l'initier. C'est aussi cela le prix de l'intégration !
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