L'environnement mondial en 2030 : réflexions sur le rapport de l'OCDE
Si les émissions de gaz à effets de serre se réduisaient proportionnellement au nombre de pages des excellents rapports consacrés au sujet, le problème du changement climatique serait en passe d'être résolu. Il n'en est évidemment rien et de plus la profusion de textes qui se recouvrent largement tout en différant sur quelques points sensibles nuit plutôt à la clarté de l'ensemble. Les arbres contribuent à cacher la forêt.
C'est pourquoi cet éditorial tente d'extraire les chiffres les plus significatifs d'un volumineux texte de l'OCDE sur les perspectives de l'environnement de l'OCDE à l'horizon 2030.
1. Comme il est maintenant d'usage, le rapport part d'un scénario de référence caractérisé par une croissance annuelle moyenne de 2,8% de 2005 à 2030, ce chiffre se décomposant en 2,2% pour les pays de l'OCDE, 4,6% pour les BRIC et 4% pour le reste du monde. Un scénario plutôt prudent sauf peut-être pour les pays de l'OCDE.
2. Le rapport associe ensuite à cette croissance économique des évaluations des émissions de gaz à effet de serre (en équivalent de milliards de tonnes de CO2) sous des hypothèses tendancielles.
De 46,9 gigatonnes en 2005, les émissions mondiales passeraient à 64,1 en 2030 et 71,4 en 2050. Sur la période 2005-2030, les émissions des pays de l'OCDE augmenteraient de 18,7 à 23,0 gigatonnes et ne baisseraient pas ensuite. Tandis que les émissions des BRIC passeraient de 16,1 à 23,5 et 26,2 et celles du reste du monde de 12,1 à 17,6 et 21,7.
3. Ce scénario de référence conduirait respectivement à des concentrations de CO2 de 465 ppmv en 2030 et 543 en 2050. Le texte en déduit une estimation de la hausse de la température moyenne mondiale de 1,2 à 1,6 degrés en 2030 et 1,7 à 2,4 degrés en 2050.
Plus significative est l'estimation du volume des émissions qui permettrait à partir du montant de 2005 de ne pas dépasser la concentration de 450 ppmv : 38 gigatonnes en 2030 et 28 gigatonnes en 2050, soit un écart par rapport aux valeurs de référence de 26 gigatonnes en 2030 (40% de baisse) et de 43 gigatonnes en 2050 (60% de baisse).
4. Enfin, le rapport estime, avec quelque hardiesse, la perte de croissance qu'entraîneraient des politiques limitant à 450 ppmv le plafond de la concentration de CO2. " Une telle action aboutirait à une perte de PIB de 0,5 % en 2030 et 2,5% en 2050 par rapport au scénario de référence, ce qui correspond à un ralentissement de la croissance annuelle du PIB de 0,1 point de pourcentage par an en moyenne. Ces pertes paraissent modestes, mais le rapport remarque qu'elles seraient inégalement distribuées selon les régions et nécessiteraient des mécanismes de redistribution.
Ces estimations qui semblent prudentes, même si en cumul sur le demi siècle elles représenteraient une fraction non négligeable du revenu mondial d'une année, mettent une fois de plus en évidence trois caractéristiques de la lutte contre le réchauffement climatique, certes connue des experts, mais difficile à assimiler par l'opinion publique.
- C'est en décennies qu'évolue la part en energies primaires du bilan énergétique mondial. Mais si le changement est lent, considérables sont à contrario les marges d'incertitudes sur le résultat.
- Si l'enjeu est le sort des générations futures, c'est entre les générations présentes que sont les conflits et c'est leurs représentants qui trouvent inacceptables les sacrifices à envisager et qui s'efforcent de les reporter sur les autres. Nous ne sommes vraisemblablement qu'au seuil de ces conflits.
- Dès que l'on parle de gigatonnes de CO2, de milliard d'individus, de quarts ou de demi-siècles, les chiffres absolus sont trompeurs car nous n'avons pas l'expérience ni même la connaissance des ordres de grandeurs au titre desquels il faut les juger. L'équivalent d'un mort sur 500 dans un village, est à l'échelle du monde, 10 millions sur 5 milliards.
Dans l'univers médiatique où nous vivons, le grand défi est de s'appuyer sur des faits exacts plus que sur des émotions et d'avoir recours à des concepts précis plutôt qu'à l'enchaînement des idées générales. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, cette ascèse de l'esprit est aussi une action indispensable.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLes marchés du carbone peuvent-ils faire une percée à la COP29 ?
Les marchés volontaires du carbone (MVC) ont un potentiel élevé, notamment pour réduire le déficit de financement de la lutte contre le changement climatique, en particulier en Afrique.
Le secteur électrique indien à la croisée des chemins : relever les défis des distributeurs d'électricité
Le secteur électrique indien a besoin d’une réforme urgente.
L’approvisionnement énergétique de Taïwan : talon d’Achille de la sécurité nationale
Faire de Taïwan une « île morte » à travers « un blocus » et une « rupture de l’approvisionnement énergétique » qui mènerait à un « effondrement économique ». C’est ainsi que le colonel de l’Armée populaire de libération et professeur à l’université de défense nationale de Pékin, Zhang Chi, décrivait en mai 2024 l’objectif des exercices militaires chinois organisés au lendemain de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te. Comme lors des exercices ayant suivi la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022, la Chine avait défini des zones d’exercice faisant face aux principaux ports taïwanais, simulant de fait un embargo militaire de Taïwan. Ces manœuvres illustrent la pression grandissante de Pékin envers l’archipel qu’elle entend conquérir et poussent Taïwan à interroger sa capacité de résilience.
La difficile réorganisation des chaînes de valeur des matières premières critiques – regards sur les politiques européennes de réduction des risques
La demande de matières premières critiques devant, au minimum, doubler d’ici 2030 dans le contexte des politiques actuelles de transition énergétique, la concentration des approvisionnements en matières premières critiques (MPC) – et plus encore, des capacités de raffinage – dans une poignée de pays est devenue l’une des questions fondamentales au sein des discussions internationales, bilatérales et nationales. La position dominante de la Chine et les contrôles successifs des exportations de MPC (récemment le germanium, le gallium, les technologies de traitement des terres rares, l’antimoine) indiquent une tendance à l’instrumentalisation des dépendances critiques.