Nord Stream 2 : garder la tête froide
Depuis l’annonce du projet gazier Nord Stream 2 en juin 2015, les débats sur les conséquences de ce projet sur l’Europe font rage et entremêlent des arguments politiques, économiques et commerciaux.
En l’espace de quelques mois, la Russie a opéré un virage stratégique radical à l’égard de l’Europe en matière gazière. Après les annonces en 2014 d’un tournant majeur vers l’Asie, l’annulation du projet South Stream puis son remplacement par le Turkish Stream et la livraison du gaz aux portes de l’Europe, l’heure est depuis mi-2015 au renforcement des relations avec les entreprises gazières européennes.
Les initiatives de la Russie pour remplacer ses partenaires européens se situent désormais dans un paysage gazier international métamorphosé. La tension post-Fukushima caractérisant le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL) a cédé la place à un marché excédentaire, avec d’une part une croissance moindre de la demande gazière asiatique de GNL et d’autre part, l’arrivée sur le marché de nouveaux grands exportateurs comme l’Australie et les États-Unis. Une nouvelle ère plus favorable pour les pays importateurs de gaz s’est donc ouverte sur le marché gazier depuis fin 2014. Par ailleurs, on est encore bien loin du « grand tournant » vers l’Asie espéré par Moscou en 2014, les discussions avec Pékin autour du projet de la route de l’Ouest s’avérant plus difficiles que prévu. De même, les négociations commerciales entre la Turquie et la Russie sur le projet Turkish Stream se sont révélées bien laborieuses, interrompues pendant les longs mois de brouille diplomatique entre les deux pays. Enfin, les marges de manœuvre de la Russie sont devenues plus étroites, dans un contexte d’effondrement des prix du pétrole et du gaz et de sanctions économiques occidentales pesant lourdement sur son économie. Et ce n’est pas la compétitivité accrue des compagnies pétrolières russes grâce à la dévaluation du rouble qui transformera durablement la donne.
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