Stockage d'énergie : le défi posé par Tesla
Elon Musk, patron de l’entreprise américaine Tesla, a annoncé une révolution dans le stockage résidentiel par batteries. C’est un nouveau défi que le génie de la Silicon Valley adresse à ses concurrents et aux acteurs politiques, en proposant le PowerWall, une batterie à usage domestique, qui vise à renforcer l’autonomie du consommateur final.
Associé à une équipe d’ingénieurs de la Silicon Valley, Elon Musk, a fondé sa société en 2003, en reprenant le nom de Nikola Tesla, à l’origine d’un moteur à induction fonctionnant en courant alternatif (AC). Dès 2010, il s’associait avec Toyota et Daimler sur le marché des véhicules électriques. Aujourd’hui, plus de 2 300 bornes Tesla « Superchargers » permettent de recharger les 44 000 véhicules électriques du Modèle S, qui circulent aux Etats-Unis. Pour autant, Tesla ne se définit pas comme un fabriquant automobile mais comme une société de « technologie et design », dont le marché cible est le stockage d’énergie par batteries. Tesla est né en Californie, le premier Etat fédéral à se lancer dans une politique de subventions, ayant pour objectif d’atteindre une capacité de stockage équivalant à 1.3 GW en 2020.
Le déploiement des batteries au Lithium Ion dans le secteur de la consommation électronique (« smart phones », ordinateurs portables) a permis aux fabricants asiatiques d’aboutir à de fortes baisses de coûts. C’est, paradoxalement, dans ce contexte que Tesla a réussi à s’imposer, depuis la Californie, en révolutionnant la logistique d’assemblage autour des procédés électrochimiques de fabrication des batteries. En rupture avec le modèle traditionnel de vente de l’industrie automobile, une stratégie de vente directe au consommateur complète le dispositif. D’ores et déjà, Tesla achète des batteries au fabriquant Panasonic pour un prix équivalent à $180/kWh alors que les systèmes commerciaux conventionnels sont affichés à $500-700/kWh [1]. D’après les analystes du secteur, Tesla a déjà 2 à 3 ans d’avance en termes d’évolutions de coûts, faisant de ce groupe un concurrent sérieux dans une industrie américaine de l’automobile en crise.
Aujourd’hui, Tesla se lance en Europe, en annonçant la commercialisation, sur le marché allemand du PowerWall [2], une batterie destinée à stocker, durant la nuit, l’énergie produite, la journée, par les panneaux solaires installés chez les particuliers. Le groupe américain met directement en concurrence l’ « autoconsommation » [3] avec l’électricité acheminée par le réseau de distribution. Si le succès se confirme, le déploiement à grande échelle du stockage résidentiel - tout comme celui des véhicules électriques - est amené à révolutionner les modes de consommation de l’énergie électrique. Un véritable bouleversement pour les groupes énergétiques européens, qui envisagent d’utiliser le stockage d’énergie (par batteries ou autres modes de stockage) pour absorber des quantités d’énergie renouvelable de plus en plus importantes (projet de démonstration GridEU [4]).
L’entrée de Tesla en Europe pourrait aussi entraîner des évolutions réglementaires. Une définition claire du rôle du stockage, de ses modes d’usage, de sa propriété, ainsi que des schémas de recyclage doit être apportée [5]. Au-delà, le défi posé par Tesla est de savoir quelle est véritablement la priorité politique donnée au stockage d’énergie. Est-ce que l’Europe et ses Etats Membres souhaitent mener une stratégie audacieuse pour faire du stockage d’énergie, le support des énergies renouvelables?
[1] http://reneweconomy.com.au/2014/battery-storage-costs-plunge-below100kwh-19365
[2] http://www.teslamotors.com/powerwall
[3] Rapport sur l’autoconsommation et l’autoproduction de l’électricité renouvelable, Direction Générale de l’Energie et du Climat, Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, Décembre 2014
[4] http://www.grid4eu.eu/
[5] “Policy Report, How can batteries support the EU electricity network?”, Insight_E Project, November 2014, http://insightenergy.org/
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