État fragile, aplati, failli. Réflexions sur la gouvernance hybride et l’évolution de l’État en Afrique et au Sahel
Les États africains figurent en tête du classement de l’index des États fragiles (parmi les 20 premiers pays de ce classement, 15 sont africains). Ils sont fragilisés à la fois par le haut et par le bas.
En haut, ils sont bousculés par des évolutions mondiales qui les dépassent et réduisent leurs marges de manœuvre telles que la globalisation licite et illicite du commerce, l’évolution de certains marchés internationaux (hydrocarbures, minerais, etc.), la spéculation financière, l’influence de compagnies étrangères, etc. En bas, ils sont concurrencés par des acteurs locaux tels que les pouvoirs néo-traditionnels, les grandes municipalités, des associations puissantes, des confréries religieuses, des seigneurs de guerre, etc.
La gouvernance de ces États fragiles est hybride : le cadre légal et la pratique administrative divergent fortement et la coproduction des services publics est de plus en plus prise en charge par des acteurs non étatiques. Initialement acteurs minoritaires, ces derniers acquièrent, du fait de l’aplatissement progressif de l’État, un rôle de plus en plus important et finissent par devenir les principaux pourvoyeurs de services à la population.
L’État résiduel n’étant plus en mesure de délivrer des services publics, il devient de facto le partenaire minoritaire du système de coproduction des services publics. Ce renversement des rôles génère une configuration de pouvoir très particulière prenant à contre-pied les politiques d’aide classiques qui font de l’État-partenaire le maître d’œuvre du développement.
L’analyse des cas de coproduction de services publics par des acteurs non étatiques dans plusieurs secteurs (éducation, justice, sécurité) permet de déterminer les principales caractéristiques de cette gouvernance hybride :
- Les services publics sont coproduits par des acteurs non étatiques en position de partenaires majoritaires et des acteurs étatiques en position de partenaires minoritaires ;
- la coproduction repose sur un bricolage informel et des nouvelles formes d’organisation sociale conçues par plusieurs acteurs ;
- cette coproduction est rendue possible par un partage informel du pouvoir qui doit avoir une certaine stabilité mais n’est pas exempt de concurrences et de rivalités ;
- cette coproduction conduit parfois à un renversement des hiérarchies sociales et des transferts de légitimité ;
- les administrations résiduelles sont caractérisées par un niveau élevé de corruption et ne sont plus en mesure d’assurer la maîtrise d’ouvrage que leur assignent les politiques classiques de développement.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
État fragile, aplati, failli. Réflexions sur la gouvernance hybride et l’évolution de l’État en Afrique et au Sahel
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesFrancophonie et Commonwealth : virage vers l’Asie-Pacifique au détriment de l’Afrique
Lors de leurs sommets respectifs tenus à l’automne 2024, la Francophonie et le Commonwealth, deux institutions multilatérales souvent mises en parallèle et accueillant parfois les mêmes pays, ont choisi une inflexion commune vers l’Asie-Pacifique, au détriment de l’Afrique.
Le dilemme de la relation militaire franco-africaine : réinventer ou tourner la page ?
L’origine de la présence et de la coopération militaires en Afrique remonte au pacte tacite de la décolonisation de l’Afrique francophone. Cette coopération a permis la création des armées africaines des anciennes colonies et s’inscrivait dans le projet visant à éviter l’expansion du communisme et à maintenir l’influence de la France dans les pays nouvellement indépendants.
L'évolution de la diplomatie des villes en Afrique : impact, potentiel et défis actuels des activités internationales des villes africaines
Au cours des dernières décennies, les villes africaines se sont hissées au rang des principaux acteurs de l’évolution de la diplomatie des villes. En effet, les municipalités du continent ne se sont pas seulement adaptées aux nouvelles tendances de la coopération internationale. Elles ont façonné l’approche actuelle du partenariat où les autorités locales du monde entier travaillent ensemble pour relever des défis urbains communs tels que le changement climatique, la migration et la justice sociale.
La Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP) au Niger 2011-2023. Placer l’État au cœur de la prévention et de la gestion des conflits
Comme les autres pays sahéliens, le Niger est touché par le terrorisme depuis maintenant presque deux décennies. Ce phénomène a mis en lumière à la fois les limites des appareils sécuritaires de ces pays mais également, de manière plus profonde, leur incapacité à offrir une stabilité aux populations de certaines parties de leur territoire. D’une certaine manière ces « insurrections djihadisées » s’inscrivent dans la continuité de groupes qui, régulièrement prennent les armes contre les États centraux.