Mourir au combat : l'impensé des Forces d'autodéfense japonaises
Dans les années 1990, le débat sur les Forces d’autodéfense japonaise (FAD) a évolué. Il s’agit dorénavant moins de contester l’existence constitutionnelle des FAD que de s’interroger sur leurs missions et les dangers nouveaux auxquels les soldats japonais sont désormais confrontés.
En effet, en dépit des précautions d’usage dans les paquets législatifs sur la sécurité nationale qui se sont succédé depuis lors, et des effets de rhétorique, la montée des tensions autour des îles Senkaku d’une part, la multiplication des engagements extérieurs des FAD dans des zones plus ou moins exposées, comme en Irak ou au Soudan du Sud d’autre part, ont fait resurgir la crainte qu’un membre des FAD puisse être tué en mission ou amené à tuer pour se défendre.
Le spectre de la guerre, consciencieusement enfoui dans l’inconscient collectif après l’expérience de la Seconde Guerre mondiale et des décennies de pacifisme, refait lentement surface. Le gouvernement japonais se trouve tiraillé entre deux impératifs contradictoires : jouer un rôle plus actif sur la scène internationale comme ses alliés l’y incitent, ménager les susceptibilités d’une opinion qui découvre, ou feint de découvrir, que les FAD n’ont pas simplement pour mission de porter secours aux sinistrés dans les catastrophes naturelles, mais de faire la guerre : mourir au combat, fût-ce au titre de la solidarité internationale, n’a pas la même signification que mourir en service dans un accident ou à l’entraînement. Par conséquent, la société civile, les élites politiques et militaires doivent faire face à une éventualité qui n’avait jamais été sérieusement envisagée auparavant : le statut et la condition du militaire blessé ou tué en action.
Cette interrogation englobe en réalité toute une série d’enjeux à forte connotation symbolique et émotionnelle : l’adaptation de la médecine militaire au traitement des situations d’urgence absolue ; les honneurs rendus aux militaires tombés ; le culte du souvenir avec la question épineuse de la relation entre les FAD et le sanctuaire Yasukuni. Au-delà, c’est également s’interroger sur la filiation entre les FAD et les anciennes armées impériales et la place du militaire dans la société japonaise d’après 1945.
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