Entre “autonomie stratégique” et “changement d’époque”. L’importance économique et stratégique des relations commerciales entre l’UE et le Mercosur

Au cours des dernières années, la France et l’Allemagne ont procédé à une réorientation de leur politique économique en œuvrant activement à l’émergence d’une stratégie industrielle européenne et à la réduction des vulnérabilités économiques – « de-risking » – au sein de l’Union européenne (UE).

Il s’agit de renforcer la résilience des économies et de diminuer les risques, notamment par la diversification des échanges économiques, en misant sur des partenariats d’égal à égal avec des États tiers. Complétées par la récente stratégie européenne en matière de sécurité économique de juin 2023, ces initiatives constituent une opportunité de rapprocher les conceptions traditionnellement différentes de la politique commerciale de part et d’autre du Rhin. Face aux évolutions géopolitiques et à la montée de tendances protectionnistes en Chine et aux États-Unis, une coopération plus étroite avec le Sud global, et notamment avec les pays du Mercosur, paraît pertinente.
C’est l’objectif de l’accord commercial UE-Mercosur qui vise à promouvoir les échanges et investissements bilatéraux et de lever les obstacles au commerce entre l’UE d’un côté et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay) de l’autre. Cet accord renforcerait les liens économiques entre l’UE et l’Amérique du Sud et permettrait ce faisant de réduire les dépendances de l’UE vis-à-vis d’autres partenaires commerciaux. Il permettrait par exemple d’ouvrir les marchés européens aux matières premières agricoles sud-américaines et de favoriser l’exportation de produits industriels européens. En outre, à travers cet accord, l’UE serait en mesure de se positionner en partenaire commercial crédible pour les pays du Mercosur et susceptible de concurrencer la Chine, qui y est de plus en plus présente.
L’accord UE-Mercosur pourrait donc représenter une pierre angulaire de la stratégie de sécurité économique européenne dans un monde fragmenté, à condition qu’elle concilie des intérêts nationaux parfois divergents, en particulier ceux de la France et de l’Allemagne, et qu’elle soit mise en œuvre concrètement en prenant en compte l’environnement géopolitique dans le cadre duquel elle s’inscrit.
- Cette note a été rédigée en partenariat avec l’IW Köln. L’Institut der deutschen Wirtschaft (IW) est un institut de recherche économique privé allemand qui s’engage en faveur d’un ordre économique social libéral. La mission de l’IW est d’améliorer la compréhension des interactions économiques et sociales.
Simon Gerards Iglesias est économiste et historien économique à l’Institut der deutschen Wirtschaft de Cologne.
Marie Krpata est chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Ana Helena Palermo Kuss est économiste et conseillère du président au ZEW – Leibniz-Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung – à Mannheim.
>> >> Cette publication est disponible en allemand "Zwischen „strategischer Autonomie” und „Zeitenwende”: Die Bedeutung des Handels zwischen der EU und Mercosur" sur le site de l’Institut der deutschen Wirtschaft (IW).
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