L'Algérie et son Sud : Quels enjeux sécuritaires ?
Lorsqu’il est question des relations qu’entretient l’Algérie avec ses périphéries sud, la dimension internationale de la projection de la puissance algérienne occulte souvent l’importance stratégique du Sahara algérien, dans un Etat pourtant fortement centralisé. L’actualité des crises et tensions en cours dans l’espace saharo-sahélien et la complexité de l’articulation entre des problématiques traversant différentes échelles politiques, institutionnelles et sociales, implique désormais le " Grand Sud " du territoire algérien.
Dès la formation d’une Algérie indépendante, ces zones sahariennes ont constitué un élément fondamental de la politique de sécurité nationale : en 1956, la découverte de gisements d’hydrocarbures dans le sous-sol des régions de Hassi Messaoud et Hassi R’Mel, servant respectivement à la production de pétrole et de gaz, anticipe d"une année la création de l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) par le gouvernement français.
Lors des négociations des Accords d’Evian, l’intangibilité des frontières existantes de l’Algérie fut posée comme une condition non négociable par les représentants du Front de Libération Nationale (FLN), conduits par Krim Belkacem, et l’OCRS ne survécut pas à l"indépendance1. Celle-ci acquise, suivant les orientations socialiste et nationaliste de la politique de développement, des travaux d’infrastructures ont été entamés pour désenclaver les principaux centres urbains, déployer les institutions de service public et inclure les élites locales aux institutions politiques nationales2.
La crise politique, socio-économique et culturelle3 suivant la libéralisation politique de la fin des années 1980 a renouvelé la fonction sécuritaire du Sahara algérien : y furent, en effet, internés plusieurs milliers de militants ou sympathisants du Front Islamique du Salut (FIS), dont beaucoup finiront par se radicaliser et prendre les armes. En janvier 2013, la prise d’otages des employés du complexe gazier de Tinguentourine, près d’In Amenas, a suivi deux attentats suicides, à Tamanrasset et Ouargla, entre le printemps et l’été précédent. La brusque détérioration des conditions sécuritaires dans le Sud algérien est une conséquence de la déstabilisation de son environnement proche - principalement au Mali, en Libye et en Tunisie - et se double désormais d’enjeux de politique intérieure liés aux revendications socio-économiques et politiques avec l'émergence de nouvelles mobilisations.
Les Suds d’Alger sont ainsi élevés au rang de priorité des politiques extérieure comme intérieure ; ils ne sont plus simplement une périphérie tampon dont la principale utilité réside dans les profits de l’exportation des hydrocarbures, mais cette production même, vitale à la survie du régime, fait face à des défis multiples, combinant les dynamiques internes et externes de la politique maghrébo-sahélienne. Les dispositifs et les moyens mis en oeuvre doivent pouvoir contribuer à la stabilisation de ces espaces dans le but de pérenniser la sécurité nationale.
Salim Chena est chercheur associé au centre de recherches pluridisciplinaires et comparatistes LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences-Po Bordeaux / CNRS). Il est également rédacteur adjoint de Dynamiques Internationales.
1 Hocine Malti, Histoire secrète du pétrole algérien, Paris, La Découverte, 2010 ; André Bourgeot, " Sahara : espace géostratégique et enjeux politiques ", Autrepart, n°16, 2000, pp. 21-48.
2 Dida Badi, " Les Touaregs algériens et l'Etat central ", Dynamiques internationales, n°7, octobre
2012.
3 William Quandt, Société et pouvoir en Algérie : la décennie des ruptures, Alger, Casbah éditions,
1999.
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