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Le boom du nickel indonésien et ses perspectives face au défi systémique du charbon

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L'Indonésie est un pays en plein essor économique et démographique. Cette situation engendre des répercussions sur la sécurité politique et énergétique régionale, mais aussi, de plus en plus, sur les transitions énergétiques mondiales, en raison des grandes réserves de métaux que possède le pays et de sa consommation tout aussi importante de charbon pour son industrie et sa production d'électricité.

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Ouverture et défrichement d'une zone d'extraction de nickel en Indonésie
Ouverture et défrichement d'une zone d'extraction de nickel en Indonésie
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Au cours des 20 dernières années, l'économie indonésienne s'est caractérisée par une croissance très dynamique, une augmentation massive de la demande en électricité, de la consommation et des exportations de charbon. Ses émissions de gaz à effet de serre (GES) sont donc en constante augmentation, bien que le pays se soit engagé à les réduire de 32 % (sans soutien international) ou de 41 % (avec soutien) d'ici à 2030.

Avec sa demande d'adhésion à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui intervient dans le contexte des exigences de la transition énergétique mondiale et des confrontations géopolitiques, l'Indonésie se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins.

L'Indonésie possède 42 % des réserves mondiales de nickel, ainsi que d'importantes réserves de cuivre, d'or, d'étain aux côtés de celles conséquentes de charbon. Cette richesse en ressources naturelles a donné à l'industrie minière une importance cruciale dans la croissance économique de l'Indonésie et a récemment pris une place encore plus importante : l'Indonésie est parvenue à devenir le premier producteur mondial de nickel en quelques années seulement, avec une part dans l'extraction mondiale de ce métal passant de 5 % en 2015 à 50 % en 2023. Le pays est également le troisième exportateur mondial de minerai de cuivre.

Le charbon et les minéraux de la transition énergétique ont progressivement remplacé le pétrole et le gaz dans les exportations indonésiennes. Entre 2011 et 2023, les exportations de pétrole et de gaz ont chuté de près de deux tiers et leur part dans les exportations nationales est passée de 20 % à 6 %. En 2023, les recettes d'exportation du cuivre étaient supérieures à celles du pétrole et équivalentes à celles du gaz.
 

Cependant, le gouvernement indonésien ne considère plus comme suffisant le fait de disposer d'importants gisements de minéraux et d'avoir des activités minières extractives sur son sol. Jusqu'à présent, la croissance de l'industrie minérale a reposé en grande partie sur des investissements chinois et sur des activités à faible valeur ajoutée, en particulier dans le traitement pyrométallurgique. La diversification des partenaires commerciaux et l'expansion dans de nouvelles chaînes de valeur plus complètes constituent donc un objectif clé pour le gouvernement indonésien.

L'Indonésie cherche ainsi à stimuler ses échanges avec les États-Unis, l'Union européenne (UE) et même l'Union économique eurasiatique. Toutefois, les négociations sur les accords respectifs se heurtent actuellement à des obstacles liés à la législation américaine (Inflation Reduction Act et Foreign Entities of Concern), qui pourraient sérieusement menacer les exportations indonésiennes de composants minéraux de batteries vers le marché américain, tandis qu'elles rencontrent également des difficultés au niveau de l'UE, en raison des réglementations environnementales européennes.

La deuxième partie de la stratégie indonésienne se concentre sur le développement de nouveaux segments industriels des chaînes de valeur : installations de raffinage, sites de traitement hydrométallurgique, usines de fabrication de batteries, etc. Pour développer ces activités, le gouvernement indonésien s’appuie sur deux outils principaux : le désinvestissement des compagnies étrangères dans les entreprises locales et l'interdiction des exportations de minerai brut. De telles interdictions ont été introduites pour le nickel en 2020 et pour la bauxite en 2023, tandis qu'elles sont attendues pour le cuivre en 2024 et peut-être même à terme pour l'étain.
 

A l’heure actuelle, l'Indonésie se trouve également confrontée aux répercussions négatives des activités minières sur son sol, notamment aux protestations concernant le manque de sécurité dans ses mines et ses fonderies, l’expropriation de certains habitants, la présence de tribus indigènes sur les sites miniers et, surtout, les dommages causés à l'environnement.

Ces dommages trouvent également leur origine dans les quantités considérables d'énergie utilisées pour alimenter les fonderies, dont l’alimentation repose principalement sur l'utilisation du charbon. La décarbonation de l'économie indonésienne est par conséquent devenue un enjeu central pour le pays, les conséquences du changement climatique étant déjà palpables sur le sol de l'archipel, avec des événements météorologiques extrêmes et l'affaissement de la capitale - Jakarta - à mesure que le niveau de la mer augmente.

Pour mener à bien l'énorme transformation vers des émissions nettes nulles tout en assurant un développement stable et durable, le pays a signé un Just Energy Transition Partnership et a dans ce cadre préparé des scénarios de décarbonation. Les principales priorités pour les années à venir sont le déploiement des énergies renouvelables, le développement du réseau électrique et une sortie rapide du charbon.

La géographie du pays complique le déploiement des sources d'énergie renouvelables ainsi que la construction de réseaux électriques larges et résilients. L'archipel comprend 17 000 îles, dont certaines sont peu développées, difficiles d'accès et éloignées les unes des autres. En outre, les coûts actualisés (levelized costs of energy, LCOE) des énergies solaire et éolienne sont élevés en Indonésie, notamment en comparaison d'autres pays émergents, tandis que les subventions publiques pour le charbon ne favorisent pas les sources de production bas carbone.

Si les deux premiers points apparaissent donc délicats, le dernier semble être le plus difficile, compte tenu de l'énorme dépendance de l'économie indonésienne à l'égard du charbon. Des inquiétudes se font par conséquent jour quant à la capacité et même à la volonté de l'Indonésie de poursuivre une véritable voie de décarbonation, bien que différenciée.
 

La stratégie de l'Indonésie en matière de commerce des minerais soulève également de nombreuses questions. Des interdictions supplémentaires d’exportation de minerai brut devraient entrer en vigueur, de nouvelles opérations minières et de traitement des minerais sont en cours de développement à travers l'archipel, tandis que les quantités de nickel produites dans le pays atteignent des sommets historiques.

Cette conséquente augmentation de la production de nickel, concomitante à un ralentissement économique mondial, a entraîné une chute brutale des cours de ce métal, qui a perdu la moitié de sa valeur entre janvier 2023 et février 2024. De ce fait, de nombreux producteurs se retrouvent en danger, notamment en Australie ou en Nouvelle-Calédonie.

Alors qu'il pourrait s’agir d’une stratégie délibérée pour inonder les marchés et neutraliser la concurrence, notamment de la part des entreprises chinoises qui contrôlent 75 % de l'offre mondiale de nickel (principalement en Indonésie mais aussi aux Philippines), le pays est confronté à de sérieux dilemmes. Sa production de pétrole et de gaz diminue et le pays dépend de plus en plus des exportations de nickel et de l'augmentation des cours de cette ressource pour sa stabilité économique, ainsi que du charbon. Le nationalisme de l’Indonésie en matière de ressources et sa stratégie industrielle, qui consistent notamment à attirer les investissements étrangers, en particulier par le biais de son engagement d'adhésion à l'OCDE, nécessitent une stratégie crédible pour réduire l'empreinte carbone de sa production d'électricité.

Parmi les voies menant à la fois à la décarbonisation et au développement de chaînes de valeur des batteries industrielles, trois étapes pourraient être envisagées :

  • Déployer des sources d'énergie renouvelables, en particulier l'énergie solaire photovoltaïque (PV) et les parcs éoliens en mer, et transférer progressivement les subventions du charbon vers les sources d'énergie renouvelables.
  • Développer une industrie des batteries propre basée sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) élevés et sur la richesse du sous-sol indonésien, qui comprend la majorité des métaux utilisés dans la fabrication des batteries.
  • Protéger le climat et la biodiversité en favorisant des solutions innovantes pour la gestion des déchets miniers et assurant le respect de normes ESG élevées.

 

Cette note est uniquement disponible en anglais : The Prospects of Indonesia’s Nickel Boom Amidst a Systemic Challenge from Coal

 

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979-10-373-0864-1

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Thibault MICHEL

Thibault MICHEL

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Chercheur, Centre énergie et climat de l'Ifri

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Énergie et Climat
Centre énergie et climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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