Quand le Congo rencontre le Moyen-Orient : la nouvelle diplomatie d’affaires de Kinshasa
Si la Chine a été le nouveau partenaire du régime congolais lors de la longue présidence de Joseph Kabila (2006-2018), le Moyen-Orient est le nouveau partenaire du premier mandat du président Tshisekedi.
Depuis son avènement au pouvoir en 2019, sa politique étrangère a été marquée par une prise de distance avec la Chine, un rapprochement avec les États-Unis et une ouverture vers le Moyen-Orient.
Durant la présidence de Joseph Kabila, la principale coopération entre la République démocratique du Congo (RDC) et les pays du Moyen-Orient avait été un projet d’infrastructures : le port en eaux profondes de Banana dans la province du Kongo-Central. Depuis l’accession au pouvoir du président Tshisekedi, les relations entre la RDC et les pays du Moyen-Orient se sont singulièrement développées. Le président congolais a effectué une tournée moyen-orientale en 2021 : le Qatar, les Émirats arabes unis (EAU), la Turquie et l’Égypte. Ce virage moyen-oriental de la politique étrangère congolaise s’est traduit par des accords de coopération multisectoriels avec cependant une focalisation sur les infrastructures de transport et les ressources minières. Les accords de coopération d’État à État constituent la première étape vers des partenariats publics-privés dans les deux secteurs mentionnés. Cette diplomatie d’affaires est censée attirer des investissements et contribuer au développement du pays. Dans ces nouveaux partenariats, les réseaux d’affaires jouent un rôle plus important que les diplomates et les intérêts publics et privés s’entremêlent dans une grande opacité.
L’analyse des accords conclus depuis 2019 montre que, parmi ces nouveaux partenaires moyen-orientaux, les EAU et le Qatar occupent une place privilégiée : ils semblent être les plus ambitieux avec des accords qui couvrent une large gamme de secteurs et des contrats d’investissement à la fois stratégiques et coûteux. En outre, les EAU ont un avantage de taille avec Dubaï. Positionnée sur l’axe commercial Afrique-Asie, cette cité-monde est devenue une étape obligée pour les grands commerçants congolais il y a quelques années, puis pour toute l’élite congolaise actuellement. De nombreux commerçants congolais y séjournent pour acheter des véhicules, de l’électronique, de l’électroménager, du textile, etc., à bas coût en provenance d’Asie. Les facilités d’obtention de visa et la multiplicité des zones franches expliquent l’implantation des importateurs congolais à Dubaï il y a quelques années. Mais de destination professionnelle pour les commerçants, Dubaï est aussi devenue une destination touristique pour l’élite congolaise. Ainsi, des stars de la musique congolaise, des politiciens, des joueurs de football, etc., se rendent à Dubaï. Dubaï est donc une destination familière pour l’élite congolaise, ce qui constitue un atout pour les EAU et facilite en retour le développement des relations d’affaires et des relations inter-gouvernementales.
Cette étude présente les axes de coopération entre la RDC et deux pays du Moyen-Orient qui sont particulièrement engagés (le Qatar et les EAU), décrypte les motivations derrière ces nouveaux partenariats et examine leurs conséquences dont certaines sont déjà perceptibles. Outre les données accessibles en source ouverte, cette étude est fondée sur des entretiens réalisés récemment en RDC avec des membres de la société civile, des hommes d’affaires et des autorités et sur des entretiens avec des chercheurs spécialistes des deux pays arabes concernés.
Note réalisée par l’Ifri au profit de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées dans le cadre de l’Observatoire de l’Afrique de l'Est et Centrale en partenariat avec l’Institut français de recherche en Afrique (IFRA-Naïrobi).
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