Abdelkader Messahel reçoit le président de l’Institut français des relations internationales
« L’état du monde au début de 2019 » est le thème de la conférence animée, hier, au siège du ministère des Affaires étrangères par Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Le diagnostic établi par le conférencier prête en ce début d’année à l’optimisme, puisque, dira-t-il, même si « de nombreux conflits ravagent le monde, notamment au Moyen- Orient, il n’y a pas de grandes guerres » qui se profilent à l’horizon. Mieux, dira le président de l’IFRI, « je ne crois pas qu’il y ait des perspectives de grandes guerres à des horizons prévisibles ». Entendez par là d’ici trois décennies, voire plus. Ce qui, de son point de vue, n’est pas « si mal, puisque les choses pourraient être pire ». Mais faut-il pour autant être confiants et rassurés quant à notre avenir ? En fait, ce qui pourrait prêter à l’inquiétude, ce sont « les incertitudes géopolitiques ». En effet, dira-t-il « nous observons des signes inquiétants liés à une certaine forme de délitement du jeu » international. Et de pointer du doigt les USA. Pour M. Montbrial, il est difficile de ne pas mettre les USA en tête de liste des responsables de cette situation. La raison en est que la première puissance du monde, depuis l’avènement de son 45e président, Donald Trump, n’assume plus le rôle qu’elle s’est octroyé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Alors que les USA avaient une « sorte de responsabilité particulière pour policer le monde », son président actuel fait presque le contraire. Le président de l’IFRI ne fera pas dans la dentelle pour mettre en évidence le changement opéré. Et de rappeler que « c’est un président qui dit et fait n’importe quoi, qui joue avec des sujets sérieux et qui manie l’insulte comme moyen de gouverner ». Et d’estimer que cela « est inquiétant ». Il ne manquera pas pour autant de s’interroger « si le trumpisme survivra à Trump ou si c’est un simple accident de l’histoire ». En fait, si M. Montbrial en veut tellement au président américain, c’est parce que d’une certaine manière il serait responsable du populisme actuel. « Le populisme se manifeste » en raison de cette irresponsabilité dont il fait cas, a-t-il souligné. Et plus encore, selon le conférencier, « en se permettant ce genre d’incartades, le président américain accroit l’imprévisibilité ».
Vers un G2
Toutefois, pour le conférencier, il est certain que les trente prochaines années seront marquées par la domination sino-américaine. Car depuis des années, soulignera-t-il, la Chine affiche son ambition de devenir la première puissance mondiale. Et elle s’est fixé une échéance pour atteindre cet objectif. Il s’agit de 2049, date du 100e anniversaire de la création du parti chinois. De même, indiquera-t-il , « la Chine s’est aussi octroyé les moyens pour réaliser son ambition : elle a une gouvernance fondée sur la compétence et ses objectifs nationaux de puissance économique, militaire, spatiale et technologique ont été réalisés ». Cette réalité lui fera dire qu’au cours des 30 prochaines années, ce qui va occuper le reste du monde c’est la rivalité entre ces deux puissances que sont les USA et la Chine. Et d’affirmer que « le dispositif pour cette concurrence se met en place». Toutefois, il tiendra à relativiser les conséquences de cette rivalité. Ainsi, estimera-t-il, « cette perspective n’est pas comparable à la guerre froide » qui a prévalu avant l’éclatement de l’Union soviétique. De même que cette rivalité se fera, selon lui, sur le terrain de l’économie, sans pour autant aller vers une guerre. Elle donnera lieu à la constitution d’un futur G2 qui définira les règles du jeu pour l’ensemble de la planète.
Quelle place pour le reste du monde ?
Dans ce contexte qui se met en place, la question qui se pose, et qui a été posée du reste par le conférencier, est celle de savoir quelle place pourra occuper le reste du monde. «Voulons-nous être des sujets ou des jouets par rapport à la compétition sino-américaine ?», s’est-il demandé ou «alors voulons-nous être des acteurs et exercer des actions de modération dans le système international ?» Ce rôle pourrait être joué selon lui par l’Europe. C’est pourquoi, dira-t-il, « nous avons besoin d’une Europe solide, cohérente sur les plans économique, politique et de défense ». Se faisant l’avocat de cette Europe, il tentera de rassurer sur ses intentions. «L’Europe n’a aucune intention coloniale à l’horizon prévisible», a-t-il affirmé. Il ajoutera que « l’Europe unie doit devenir un facteur de stabilité et d’humanité dans le monde assez cruel actuel et prévisible ». Et de poursuivre en indiquant que « le contexte actuel invite à réfléchir à des formes coopératives adaptées à chaque région ». Il suggérera l’idée « d’associations librement consenties sans puissances dominantes ».
La démocratie est un choix stratégique pour l’Algérie
Intervenant à la fin des débats, le ministre des Affaires étrangères, M. Messahel, rappellera d’abord en direction de l’invité de son département, dont c’est la première visite en Algérie depuis 27 ans, que notre pays a franchi, depuis, des étapes importantes. Il ajoutera que pour l’Algérie, qui a connu une tragédie nationale, la démocratie est un choix stratégique et que le pays œuvre à relever les nombreux défis qui se posent à lui. Pour ce qui est des problèmes que rencontre la région, notamment le Sahel, il dira que les pays œuvrent à les résoudre.
Par Nadia Kerraz
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M. Messahel reçoit le président de l'Institut français des relations internationales
Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a reçu, hier à Alger, le président de l'Institut français des relations internationales (IFRI), Thierry de Montbrial. L'entretien s'est déroulé au siège du ministère des Affaires étrangères en présence de l'ambassadeur de France, Xavier Driencourt.
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