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Alain Antil : « La France est dans une position difficile au Sahel »

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Interviewé par Angélique Schaller pour

  La Marseillaise
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Alain Antil, responsable du Centre Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri), décrypte les enjeux de la mission Barkhane alors que 13 militaires français viennent de mourir en mission.

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Treize militaires français de l’opération Barkhane ont trouvé la mort lundi soir au Mali dans la collision de deux hélicoptères engagés dans une mission de combat contre des jihadistes. Mardi, les hommages se sont succédé et une cérémonie nationale a été annoncée aux Invalides « dans les jours prochains ».
 
La Marseillaise : L’opération Barkhane, qui avait pris le relais de l’opération Serval, dure depuis 2014. Quel bilan en dresser aujourd’hui ?
Alain Antil : Un bilan forcément affecté par la tragédie qui vient de se dérouler. Barkhane a trois objectifs principaux : l’appui aux pays du Sahel dans la lutte contre le terrorisme avec des interventions militaires directes comme cela était le cas lors de l’accident qui vient d’avoir lieu ; aider les armées nationales à coopérer entre elles notamment sur les espaces frontaliers et alimenter en renseignements les cinq armées sur le terrorisme.
Après l’opération Serval puis le début de Barkhane, la violence a reculé. L’armée française a, depuis, mené beaucoup d’opérations conjointes avec les armées nationales, neutralisé beaucoup de terroristes, organisé des opérations conjointes… Mais, malgré tout, depuis 2018 la violence s’étend géographiquement et le nombre de victimes et de déplacés augmente.
 
L’objectif initial était de lutter contre le terrorisme. Vous dites que la violence ne se résume pas au terrorisme ?
A.A. : Les acteurs de la violence au Sahel ne sont effectivement pas que terroristes. Il y a des groupes armés qui peuvent combattre d’autres groupes armés, des milices villageoises s’arment (au centre du Mali et au Nord du Burkina Faso notamment) et peuvent parfois massacrer des communautés voisines comme on l’a vu à Ogossagou au Mali en mars dernier. Il y a aussi parfois des exactions des forces de sécurité sur leurs propres populations. On n’a donc pas un front jihadiste qui évolue irrémédiablement mais des dizaines de micro-conflits plus ou moins violents. La situation se complexifie, les différents types de violence s’hybrident entre eux, et il faut donc que les autorités françaises réfléchissent à cette situation nouvelle.
 
Le général Clément-Bollée a dit que la France était l’objet d’un rejet des populations ?
A.A. : On voit effectivement monter depuis un an, un an et demi, une opposition à la présence française, particulièrement au Mali mais pas seulement. Cette opposition se manifeste sur les réseaux sociaux, parfois dans des manifestations de rue. Ce sentiment se retrouve aussi dans une partie des élites. C’était prévisible car quand une opération militaire se prolonge, l’armée « de libération » se transforme en « armée d’occupation » et cela suscite le rejet et le complotisme. C’est devenu un problème qu’il faut mettre dans l’équation politique.
 
Ce général dit également qu’il faut donner les clés aux Africains. Mais dans un récent texte vous soulignez qu’au Sahel, l’État est démis ?
A.A. : Les deux armées les plus faibles du G5 Sahel sont celles du Mali et du Burkina Faso. Elles ne pourraient pas faire face à la menace terroriste sans l’appui de la communauté internationale. Dans l’idéal, il faudrait que les forces africaines prennent le relais - sachant qu’elles sont déjà présentes dans le cadre de l’ONU dans la Minusma - mais l’Architecture africaine de paix et de sécurité (Apsa) se met lentement en place et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est pas en capacité d’envoyer beaucoup d’hommes, correctement équipés. D’où le sempiternel appel à la France, seule puissance qui puisse intervenir rapidement et efficacement car connaissant bien le terrain. Cette efficacité, paradoxalement, met la France dans une situation politique difficile car prolonger l’opération Barkhane, c’est s’exposer davantage aux attaques des groupes armés mais aussi aux rejets des opinions publiques, mais un départ de Barkhane affaiblirait très fortement le dispositif sécuritaire dans cette zone.
 
Initialement le G5 était pour le développement économique ?
A.A. : Effectivement, le G5 était au départ une structure de développement ayant la spécificité d’avoir un bras armé. Le côté développement a été… assez peu développé. Mais dans les zones touchées par la violence, les capacités à faire du développement sont, bien sûr, réduites à néant.
 
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Alain Antil

Alain ANTIL

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Directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri