Angela Merkel, quinze ans à la tête de l’Allemagne
Angela Merkel fête ce dimanche ses quinze ans comme chancelière de l’Allemagne, avec une popularité au zénith et une longévité bientôt record. Le 22 novembre 2005, Angela Merkel était élue chancelière fédérale par le Bundestag, le parlement allemand.
« Si elle arrive au bout de son mandat, elle pourra même presque dépasser le record d’Helmut Kohl », explique Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Et sa popularité est au zénith. Début novembre, elle recueillait 74 % d’opinions favorables dans le baromètre mensuel ARD-Deutschlandtrend, selon Le Monde. C’est 21 points de plus qu’en mars, au début de l’épidémie de COVID-19.
Le talent politique seul d’Angela Merkel ne peut expliquer cette longévité et ses quatre mandats. « La culture politique allemande joue » à plein reprend ce spécialiste de l’Allemagne. « Elle a effectué trois de ses mandats dans le cadre d’une coalition avec les socio-démocrates qui sont les adversaires théoriques de la CDU (Union chrétienne-démocrate) », le parti d’Angela Merkel. Parce qu’en Allemagne, « mieux vaut un gouvernement de coalition que pas de gouvernement du tout et une crise politique ».
Venue d’Allemagne de l’Est
La chancelière a une « personnalité qui politiquement est rassurante. Elle n’est pas dans le clash ». Son histoire personnelle fait, aussi, qu’elle a pu embrasser les événements de son époque. « Elle vient d’Allemagne de l’Est. En 2005, on est quinze ans après la réunification ». Son positionnement au sein de son parti est aussi un atout. « A la CDU, elle n’est pas dans l’aile libérale mais centriste. Il lui est donc plus facile de rassembler des électeurs aussi du centre gauche. A noter aussi que jusqu’en 2017, il n’y avait pas au Bundestag/Parlement d’autre parti politique à la droite de la CDU. Un électeur de droite votait automatiquement pour la CDU ».
Pas de rivaux de taille dans son camp ou en face
Angela Merkel a résisté à toutes les offensives. D’abord des socio-démocrates (SPD), dilués parfois dans les coalitions gouvernementales dirigées par la chancelière et qui n’ont pas su « changer de logiciel » depuis Gerhard Schröder. Personne dans son camp, non plus n’a réussi à la contester. « Il y a en eu. Le principal étant Friedrich Merz qui est aujourd’hui candidat à la direction de la CDU. L’actuel ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, a aussi violemment critiqué l’arrivée de migrants en Allemagne en 2015 mais sa stratégie d’un discours musclé pour endiguer la progression de l’AFD (extrême droite) n’a pas fonctionné, notamment en Bavière où il a été ministre-président » du Land. Et au gré de scandales ou de revers électoraux locaux, aucune autre figure n’a suffisamment émergé.
La politique du zéro déficit
Le bilan économique allemand plaide également en faveur d’Angela Merkel. Et cette bonne santé est certainement un élément fondamental de sa constance au pouvoir. « Ce succès est aussi un paradoxe, nuance Paul Maurice. Car il est aussi lié aux réformes de Gerhard Schröder du marché du travail. Elle l’a elle-même reconnu devant le parlement. Il ne faut pas oublier qu’au début des années 2000, l’Allemagne était le malade de l’Europe ».
Aujourd’hui, ce sont les limites de l’austérité budgétaire de la chancelière qui posent question. « La politique du “zéro déficit” a empêché d’investir dans le numérique, la transition écologique… Même s’il y a un discours, dans les faits l’industrie allemande est très traditionnelle. Et les rapports avec la Chine, rompus par le Covid-19, mettent au grand jour les défis de l’industrie allemande » forte de ses exportations. Ces éléments expliquent peut-être aussi le revirement actuel de l’Allemagne concernant les mécanismes européens de solidarité et notamment de dette commune. Alors qu’elle avait été intransigeante avec la Grèce lors de la crise de 2008.
Fille de pasteur luthérien
Au final, qu’est-ce qui restera dans l’Histoire d’Angela Merkel ? « Pour moi qui suis historien, c’est la question migratoire de 2015 » reprend Paul Maurice. Si la chancelière a sans doute fait le choix d’accueillir des centaines de milliers de réfugiés pour des raisons pragmatiques – crise démographique, besoin de main-d’œuvre… – c’est sûrement aussi parce que c’est une décision qui lui ressemble profondément. « Angela Merkel est fille d’un pasteur luthérien. Elle est née à l’Ouest mais son père et sa famille sont allés s’installer en RDA (Républiique démocratique allemande) avec la volonté d’évangéliser le pays. Elle a été marquée par ce discours de charité chrétienne et elle est Allemande de l’Est. Elle sait ce que cela veut dire de fuir son pays pour sauver sa vie. Pour plein d’autres raisons, cela ressemble à son engagement politique intime, dans les années 89/90 ».
L’extrême droite au parlement
Mais c’est aussi certainement cette décision qui a permis au parti d’extrême droite AFD d’entrer au Bundestag. Ce sera l’un des défis de son successeur alors que le paysage politique allemand change. Les Verts, de par leurs succès électoraux et leur position dans les sondages, sont en passe de s’imposer comme la deuxième force politique du pays. Les prochaines élections fédérales doivent se tenir en septembre 2021 pour le renouvellement des 598 sièges du Bundestag… et du chancelier. Angela Merkel ne se représente pas.
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