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Arrestations, communications coupées : ce que l'on sait de la situation en Birmanie

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Quelques jours après le coup d'Etat qui a frappé Rangoun, une chape de plomb s'est abattue sur le pays. Comme un douloureux retour vers le passé.

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La Birmanie renoue avec les pages sombres de son histoire. Quelques jours après le coup d'État qui a renversé cette semaine le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi, la fragile démocratie semble déjà piétinée. Pour rappel, le pays a déjà vécu sous le joug de la dictature militaire pendant près de 50 ans depuis son indépendance en 1948 et un sentiment de déjà-vu domine. 

Alors que des milliers de personnes ont défilé en masse ce samedi à Rangoun pour demander le retour de l'ex-prix Nobel de la paix, les interpellations se multiplient. Dernière arrestation en date, celle d'un conseiller économique de l'ex-dirigeante de 75 ans, l'Australien Sean Turnell, retenu dans son hôtel samedi."Je suis actuellement détenu et peut-être accusé de quelque chose", a déclaré à la BBC ce professeur de l'Université Macquarie en Australie. 

Le régime semble bien décidé à faire le ménage parmi les opposants. Il faut dire que l'armée birmane a toujours caressé la fibre nationaliste du pays à grande majorité bouddhiste. Et les discours contre "les traîtres nationaux à la solde des pays étrangers" n'ont pas tardé à ressurgir chez des partisans des généraux putschistes. Après l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement civil et d'autres têtes de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), les généraux putschistes ont élargi leur cible à des écrivains, des moines, des étudiants, des activistes. 

150 personnes interpellées

Et ils n'ont pas attendu très longtemps pour venir chercher ceux qu'ils avaient dans le viseur. Mya Aye, ex-leader du mouvement "Génération 88" violemment réprimé par la junte il y a 33 ans, a été arrêté le 1er février. Dès les premières heures du coup. Plusieurs hommes en uniforme ont fouillé sa maison. Détenu pendant plusieurs mois en 1988 puis en 2007, le militant de 54 ans était conscient que les événements pouvaient se précipiter. "Il avait préparé un petit sac avec des vêtements et du dentifrice au cas où", raconte sa fille, Wai Hnin Pwint Thon. "Depuis, on ne sait pas où il est". 

Une inquiétude partagée par les proches de Min Htin Ko Ko Gy, sans nouvelles depuis lundi. Ce réalisateur et activiste birman avait déjà fait de la prison en 2019 et 2020 pour avoir critiqué l'armée. Dans les premiers jours qui ont suivi son interpellation, "des hommes sont venus chercher du linge, de la nourriture, des médicaments. Puis plus rien", explique son neveu Kaung Satt Naing, inquiet car son oncle souffre de problèmes cardiaques. 

Au total,150 personnes ont été interpellées. Ce sont les chiffres de l'Association d'assistance aux prisonniers politiques, une ONG basée à Rangoun. Il y a sans doute d'autres cas, mais il reste très difficile d'avoir des données fiables dans le pays, soulignent des observateurs. "Des dizaines, voire des centaines d'activistes et de journalistes indépendants ont fui leur domicile et se cachent", estime Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie à Human Rights Watch. "Leur nom figure sur des listes, ils peuvent être arrêtés à tout moment". 

Les réseaux sociaux dans le viseur des autorités

Ces interpellations s'ajoutent à une situation difficile en Birmanie où les communications sont verrouillées. L'accès à internet est très perturbé et le pays connait des coupures importantes dans tout le pays. Les généraux ont également ordonné aux fournisseurs d'accès de bloquer Facebook, outil de communication pour des millions de Birmans, Twitter et Instagram ainsi que les données mobiles des téléphones portables. Les militaires savent très bien que les réseaux sociaux sont des armes utiles à l'opposition.  

Pour tenter d'échapper à la censure, certains Birmans se tournent vers des VPN, qui permettent de contourner toute restriction géographique. Dès les premières heures du putsch, la contestation s'est exprimée sur Facebook, des députés retransmettant en direct leur arrestation. Puis, des groupes appelant à "la désobéissance civile" sont apparus sur la plate-forme, rejoints par des avocats, des médecins et des fonctionnaires. 

Pourrait-on dire que la nouvelle génération n'a plus peur ? La population, jeune, a connu des élections démocratiques en 2015 et 2020 et pris l'habitude de s'exprimer publiquement.

Selon Sophie Boisseau du Rocher spécialiste de l'Asie à l'Institut français des relations internationales : même si la peur de représailles est importante, une partie des Birmans "essayeront d'empêcher les militaires de replonger le pays dans l'autarcie".  

Prise de contact avec l'ONU

Du côté de la communauté internationale, la situation actuelle est perçue avec inquiétude. Les Birmans se retrouvent "dans une situation d'incertitude absolue", a estimé Ming Yu Hah d'Amnesty International. Ces événements restent au coeur de l'agenda international, et l'envoyée spéciale de l'ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a eu un premier contact avec les militaires. Elle a "clairement exprimé notre position": mettre un terme au coup d'Etat et libérer les personnes détenues, a indiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. 

Une réunion en ligne s'est aussi tenue vendredi entre les autorités birmanes et plusieurs diplomates et ambassades étrangères, selon le journal Global New Light of Myanmar, détenu par l'Etat. "Le gouvernement comprend les préoccupations de la communauté internationale", a déclaré le ministre de la Coopération internationale Ko Ko Hlaing lors de cette réunion, selon le journal. 

Alors que la communauté internationale a délivré une pluie de critiques, les forces armées birmanes ne semblent pas s'en émouvoir. Inquiète à l'idée de perdre ses prérogatives,

"Tatmadaw (les forces armées birmanes) se moque des condamnations internationales et pourrait réagir par la violence comme elle l'a fait dans le passé", conclut Sophie Boisseau du Rocher

> Lire l'article sur le site de L'Express
 
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Sophie BOISSEAU du ROCHER

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri

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