Au Mozambique, des massacres djihadistes au cœur d’une région convoitée
Une cinquantaine de civils ont été décapités, début novembre, dans la province du Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique. Les auteurs : un groupe armé islamiste lié à Daech, qui multiplie les attaques d’envergure dans cette région très riche en réserves de gaz.
Le bilan des attaques islamistes qui se sont produites début novembre dans le nord du Mozambique ne cesse de s’alourdir. Plusieurs sources lusophones ont fait part, mardi 10 et mercredi 11 novembre, d’une cinquantaine de tués dans le district de Muimbe, dans la province du Cabo Delgado, suscitant une émotion internationale, de l’ONU au président français Emmanuel Macron. Selon les sources locales, des djihadistes s’en sont pris aux participants d’une cérémonie d’initiation, les tuant et les décapitant sur un terrain de football.
Une filiale de Daech
Cette attaque est attribuée aux Chebabs, le groupe islamiste apparu en 2017 dans cette région septentrionale du Mozambique, affilié à Daech. « C’est ainsi que la population le nomme en faisant référence aux islamistes somaliens. Mais son véritable nom est Ansar Al-Sunna », rappelle Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Dans la galaxie des groupes djihadistes africains, Ansar Al-Sunna a fusionné avec l’Iscap, la plateforme islamiste de Daech en Afrique australe. « Le noyau de l’Iscap est formé d’islamistes venus s’installer en Tanzanie après avoir été chassés du Kenya en 2015. Puis, chassés de Tanzanie en 2017, ils ont pris pied dans le nord du Mozambique et se sont agrégés avec les groupes locaux comme Ansar Al-Sunna », met en perspective Thierry Vircoulon.
La malédiction des ressources du sous-sol
Le Cabo Delgado, où les musulmans sont majoritaires, est l’une des provinces les plus pauvres du Mozambique : ce qui favorise l’implantation des djihadistes. « De plus, la communauté à majorité chrétienne des Maconde – actuellement au pouvoir avec (le président, NDLR) Filipe Nyusi – marginalise une autre des principales communautés de Cabo Delgado : les Mwani. Cette dernière, à dominante musulmane, se sent exclue, ce qui favorise la radicalisation de sa jeunesse », note Benjamin Augé, dans son étude « Mozambique : les défis sécuritaires, politiques et géopolitiques du boom gazier », publiée par l’Ifri en août 2020.
Une radicalisation en lien, enfin, avec la frustration de la population et le désordre qu’attise la découverte d’énormes gisements de gaz qui aiguisent les appétits du monde entier et dont les bénéfices sont entièrement captés par la capitale. « Les découvertes géantes de gaz au Mozambique, soit 160 trillions de pieds cubes, vont permettre à ce pays très pauvre (6e produit national brut [PNB] par habitant – le plus faible du continent africain) de devenir un des futurs grands producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au monde d’ici deux décennies », souligne Benjamin Augé. « C’est l’arrière-fond de ce qui se passe dans cette région, ajoute Thierry Vircoulon. Toutes les majors occidentales et asiatiques qui exploitent les hydrocarbures sont entrées dans le jeu. Celle qui réussira à contrôler le canal du Mozambique touchera le pactole. Dans cette compétition, l’opacité est de mise en Afrique, et la prolifération des groupes armés et de l’insécurité, la règle. »
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