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Ballons, pirates et caméras: quand les États-Unis et leurs alliés accusent la Chine d’espionnage

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interrogé par Baptiste Condominas pour

  RFI
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Le survol des États-Unis la semaine dernière par un ballon chinois, soupçonné par Washington d'être un engin espion appartenant à une « flotte », interroge sur les méthodes de collecte de renseignements de Pékin. L’administration américaine accuse régulièrement la Chine d’espionnage sur son territoire ou ceux de ses alliés en utilisant différentes stratégies.

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« Postes de police » clandestins

Hormis la collecte de renseignements stratégiques, la Chine dispose aux États-Unis et dans plusieurs pays européens de « postes de police » clandestins, affirme l'organisation de défense des droits humains Safeguard Defenders dans un rapport publié en septembre 2022. Non déclarées, ces structures sont susceptibles de surveiller des dissidents ou de faire pression sur eux, selon cette organisation basée à Madrid. 

Le chercheur Marc Julienne, responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri), confirme que l’objectif des officiels clandestins ou des civils liés aux autorités qui travaillent pour ces officines est d’effectuer « du renseignement au sein de la diaspora et de l’influence en capitalisant sur ces communautés pour avancer les intérêts du pays », mais aussi de surveiller d’autres diasporas, comme les Ouïghours, les Taïwanais ou les Tibétains. 

Une pratique « absolument illégale » au regard du droit international, et qui, de surcroit, va à l’encontre même du principe cardinal de la non-ingérence dont se targue la Chine. En novembre, les Pays-Bas ont ordonné à la Chine de fermer deux « postes de police » sur leur territoire. Bien qu'il démente ses accusations, Pékin a fermé deux de ces structures à Prague, selon les autorités tchèques.

Le ballon de la discorde

Repéré le 2 février et abattu le 4, le ballon - ou plutôt ce qu’il en reste - est actuellement aux mains des autorités américaines qui en analysent les débris. Il s’agit de déterminer quels équipements il transportait, mais également quel type et quantité d'informations il a pu collecter. Car si la Chine parle d’un aéronef « civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques », entré « complètement accidentellement » dans l’espace aérien américain, les États-Unis eux dénoncent un ballon de surveillance « clairement fait pour de l'observation à des fins d'espionnage », selon un haut responsable américain. 

Qu’il s’agisse d’un aérostat aux objectifs scientifiques ou d’un dirigeable espion, le chercheur Marc Julienne souligne que dans tous les cas « le fait qu’il entre sur le territoire donne des informations : quand et comment les Américains le repèrent, quelle réaction ils vont avoir, etc ». Même si ce n’est pas un ballon espion, « il récolte donc des données intéressantes ».

Mais « un faisceau d’indices laisse tout de même penser que c’est plutôt de l’espionnage », pointe-t-il. Et les premières analyses des services américains vont dans ce sens. Selon le département d’État, l’engin transportait bien des dispositifs destinés à intercepter différents types de communication. Et son fabricant serait une entreprise liée à l’armée chinoise.

Mercredi 8 février, la porte-parole de Joe Biden a même accusé Pékin d'avoir une « flotte de ballons » sur les cinq continents. Et l’administration américaine rappelle que la Chine n'en est pas à son coup d'essai : Pékin avait envoyé trois aéronefs pour de brèves incursions dans le ciel américain pendant la présidence de Donald Trump, et déjà un au début du mandat de Joe Biden. 

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Course à l’innovation 

Mais dans le domaine des nouvelles technologies, il est difficile de dire « ce qui est du ressort de la sécurité nationale ou de la rivalité stratégique » entre Pékin et Washington, relève le responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Ifri, Marc Julienne. Car ce spécialiste rappelle que les deux pays sont engagés dans une course féroce à l’innovation technologique. 

La volonté affichée de Xi Jinping de hisser son pays à la première place des puissances mondiales dans tous les domaines d’ici 2049 - année du centenaire de la prise du pouvoir par les communistes - fait face à celle de l’administration américaine de « garder la plus grande longueur d’avance », notamment dans la tech, un secteur au coeur des ambitions chinoises. 

Le chercheur explique que Washington essaie de mettre en place un « glacis pour entraver le développement technologique de la Chine ». Outre les mesures prises contre Huawei et d’autres grandes entreprises chinoises, il rappelle les restrictions drastiques à l’exportation des semi-conducteurs de pointe, au nom de « la sécurité nationale », imposées en novembre 2022 par les États-Unis. Des mesures inédites qui « visent à bloquer tout le système d’innovation chinois » et dont les conséquences - encore dures à évaluer - pourraient être lourdes pour Pékin. 

Alors qu’est-ce qui relève de la guerre commerciale ou de l’espionnage ? « Il y a une zone grise entre les deux, analyse Marc Julienne. Pour les Américains, empêcher les Chinois à progresser technologiquement est une question de sécurité. » Un flou aussi entretenu par le système chinois, où les liens entre le gouvernement et les entreprises privées sont parfois difficiles à déterminer tant ils peuvent être imbriqués d’une façon ou d’une autre. « C’est une préoccupation légitime, il est souvent dur de distinguer ce qui est civil et militaire, privé et lié à l’État » chinois, note le chercheur de l'Ifri.

Crise diplomatique et bataille politique

Malgré cela, les deux administrations affichent une certaine volonté d’apaiser les tensions et de renouer le dialogue depuis la rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden à Bali en novembre 2022. Il était d’ailleurs prévu que le secrétaire d’État Antony Blinken se rende à Pékin en début d’année pour confirmer cette tendance. Une visite repoussée in extremis suite à l’incident du ballon, qui a donc provoqué une crise diplomatique mais aussi des remous politiques à l’intérieur du pays. 

Les républicains accusent en effet Joe Biden de ne pas avoir eu une réponse plus rapide et plus ferme. Le responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Ifri rappelle qu’aujourd’hui, « tout ce qui a trait à Pékin devient toxique politiquement » aux États-Unis, laissant peu de place à des discours nuancés ou modérés sur les activités du géant asiatique. Les relations entre les deux pays n’ont donc sans doute pas fini de connaître leur lot de turbulences, qu’il s’agisse d'une question de « sécurité nationale » ou non. 

>> Retrouver l'article en intégralité sur le site de RFI.

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri