Comment expliquer le retour de la violence d'extrême droite en Allemagne ?
Le drame de Halle, au cours duquel deux personnes ont été assassinées cette semaine, est le dernier d’une longue série d’actes violents commis par des individus ou des groupuscules d’extrême droite dans un pays, l’Allemagne, et une région, l’Est du pays, où l’extrême droite semble progresser dans les esprits et les urnes.
Stupeur en Allemagne où une fusillade aux abords d’un restaurant turc et d’un cimetière juif a fait deux morts, mercredi, dans la petite ville de Halle, dans l’est du pays. L’auteur de la tuerie est un jeune homme de 27 ans, marginal et solitaire, qui nie la réalité de la Shoah. Dans la vidéo qu'il a diffusé en direct, on l'entendait insulter les Juifs. En juin, déjà, le sang avait coulé dans le pays : un élu CDU, Walter Lübcke, préfet de Cassel, connu pour ses positions pro-migrants, avait été assassiné par un néonazi.
Stigmates du Mur
Pour Patrick Moreau, chercheur au Laboratoire Dynam de l’Université de Strasbourg et auteur de « L’Autre Allemagne – Le réveil de l’extrême droite » (Vendémiaire, 2017), l’AfD remporte surtout les faveurs d’un électorat protestataire, assez peu idéologisé, qui conteste avant tout les partis établis. [...]
Après la réunification, ils ont eu « l’impression d’être intégrés à un autre État, d’être dépossédés, explique Nele Wissmann, chercheuse associée à l’Ifri. Que l’AfD fasse de bons scores chez les jeunes signifie que ce sentiment est même passé à la génération suivante, qui n’a pas connu le Mur ». « Il s’agit plus de quelque chose de ressenti que de réel, poursuit-elle. À l’Est, les leaders de l’AfD, pourtant tous originaires de l’Ouest, jouent sur un sentiment de défiance envers les partis établis et l’idée que la réunification a échoué. »
Tous les observateurs rappellent également que l’extrême droite n’a en réalité jamais complètement disparu en Allemagne, et ce des deux côtés du rideau de fer. Il existait ainsi une scène nénonazie assez active en RDA dans les années 1980, dès avant la chute du Mur de Berlin, mais minoritaires et évidemment peu médiatisées. Car pendant les quelques quarante-cinq de vie de l’ex-RDA, les Allemands de l’Est ont vécu avec un mythe assez proche du « résistantialisme » cher au général de Gaulle en France : selon l’idéologie communiste en vigueur, le peuple composé de paysans et d’ouvriers avait résisté à l’idéologie nazie. [...]
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