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Covid-19 : les modèles d’efficacité sanitaire asiatiques, impossibles à reproduire en Europe ?

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Des pays comme Taïwan, la Corée du Sud ou le Japon sont parvenus à éviter un confinement général de leurs populations ou celui de villes entières face à la menace de la Covid-19. Quelles leçons pouvons-nous tirer des mesures prises par les pays d’Asie orientale ?

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Atlantico.fr : L’un des premiers arguments qu’on oppose à la reproduction du modèle d’efficacité sanitaire asiatique en Europe consiste à pointer le caractère autoritaire de leur modèle politique. Les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est du continent sont-ils aussi anti-démocratiques qu’on le laisse à penser ? Des pays comme la Corée du Sud et Taiwan ne montrent-ils pas qu’être une démocratie n’est pas un frein dans la lutte contre le virus ? 

Sophie Boisseau du Rocher : Expliquer la réussite dans la gestion de la crise sanitaire (avec au demeurant de grandes disparités dans la région) par la nature autoritaire des régimes ou la docilité des populations relève de réflexions simplistes et erronées. Ce qui a d’abord rendu les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est efficaces dans leur lutte contre la pandémie a été l’expérience. Ils ont tous connu une ou plusieurs grandes crises sanitaires dans les vingt dernières années (Sras, grippe H1N1…) et en ont retenu des leçons de bon sens : réagir vite avant que la situation ne soit hors de contrôle ; lancer des campagnes de sensibilisation pour avertir de la dangerosité du virus ; porter un masque pour se protéger et protéger les autres. La contrainte est acceptée parce qu’on sait que l’objectif est d’en sortir le plus vite. La Corée du Sud par exemple, a très tôt mis en place un système de dépistage avec comme plan de bataille les 3 T : tester, tracer et traiter. En dépit de la proximité avec la Chine, foyer initial, on n’y a pas observé de dérapage majeur. Au Japon, les acteurs locaux ont rapidement fait appel à la responsabilité individuelle et collective de chacun. En Thaïlande ou à Singapour, les malades ont été immédiatement isolés. Partout, les frontières ont été rapidement contrôlées et les voyages restreints. Je le répète, ce qui a permis de sauver des vies (partout dans la région, le nombre de morts est bien inférieur à celui d’autres régions – il s’élève à 38 000 morts pour les 660 millions de sud-est Asiatiques), c’est le bon sens ; le respect de la collectivité, l’auto-discipline ont également joué ainsi, probablement, qu’une forme de légalisme par rapport aux décisions prises par les gouvernements. Ces caractéristiques ont été plus déterminantes que la nature du régime politique. Et d’ailleurs, on observe que certaines démocraties ont été efficaces (Japon, Taiwan ou la Corée du Sud) quand d’autres ont été plus déficientes (Indonésie, Philippines…).

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On entend aussi qu’en Asie, les libertés publiques ont été sacrifiées pour résoudre la crise. Si certains pays comme la Chine sont effectivement très autoritaires, la France est-elle réellement plus souple avec les libertés que certains pays asiatiques ? Les mesures contraignantes en termes de liberté publiques en Asie ont-elles été aussi importantes que cela au regard des confinements indifférenciés français ? 

Sophie Boisseau du Rocher : Non, les libertés publiques n’ont pas été sacrifiées pour résoudre la crise mais la crise a servi d’alibi pour servir les intérêts de certains dirigeants et régimes qui n’ont pas hésité à recourir à l’état d’urgence sanitaire pour mieux contrôler les oppositions. Cela est le cas en Thaïlande ou au Cambodge par exemple et ce n’est pas un hasard que les jeunes aient manifesté à Bangkok et dans les grandes villes du pays pour afficher leur mécontentement. Quand on est dans une situation d’urgence sanitaire, on s’organise pour gérer la crise le temps qu’elle dure. Cette gestion doit être encadrée par un appareil législatif transparent. Cela n’est pas toujours le cas en Asie (notamment du Sud-Est) où une certaine confusion règne. La priorité pour les gouvernements d’Asie est à la fois d’anticiper pour contrôler la propagation de crise et de gérer pour éviter les dégâts économiques ; il n’y a plus de confinement total pour ne pas trop pénaliser l’économie. A nouveau, un bon sens pragmatique. Ce qui explique qu’aujourd’hui, la priorité consiste à vacciner le plus largement possible, et partout dans la région. L’Indonésie a même décidé de vacciner en priorité les jeunes travailleurs pour qu’ils puissent maintenir la machine économique en état de marche.

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On entend aussi souvent que si les pays asiatiques ont mieux su gérer la crise, c’est soi-disant grâce à la docilité de leurs citoyens. Pourtant, selon un sondage, 67,7% des Sud-Coréens disent qu’ils attendront de voir l’efficacité des vaccins contre la Covid-19 avant de se faire vacciner... Utiliser l'argument de la docilité pour expliquer le succès asiatique (et donc l’échec occidental) est-il honnête ? 

Sophie Boisseau du Rocher : Ce qu’on a constaté en Occident est une succession de décisions lentes, parfois contradictoires, mal appliquées, critiquées et contournées alors qu’en Asie, les expériences précédentes avaient permis aux citoyens de comprendre les enjeux très concrets d’une riposte rapide et ciblée. D’ailleurs, à la suite des crises précédentes, les autorités sanitaires étaient mieux formées et les procédures éprouvées ; partout des comités de pilotage ont diffusé des informations sans pour autant recourir à des termes ou procédés anxiogènes. A Taiwan par exemple, le Vice Premier ministre, Chen Chien Jen, épidémiologiste, avait été en charge de la gestion du Sras. Du fait de sa légitimité professionnel, les citoyens lui font confiance et ce serait les dénigrer que de les qualifier de « dociles ». Résultat : 842 contaminés et 7 morts pour 23 millions d’habitants. Quant aux Sud-Coréens, les sondages peuvent évoluer très vite. Il y a quelques jours, le président Moon a souhaité que l’ensemble de la population soit vacciné et a assuré que l’Etat prendrait en charge le coût de cette vaccination. La campagne devrait commencer début février. Sur ce cas-là aussi, on constatera que l’esprit civique collectif l’emportera.

Lire l'intégralité de l'article sur le site d' Atlantico.

 

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Sophie BOISSEAU du ROCHER

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri

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