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De l’hélium‑3 lunaire pour la fusion nucléaire ?

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Depuis 1969, le retour d’une mission humaine sur la Lune n’a jamais paru aussi proche. Même si l’intérêt scientifique continuait à fleurir, les programmes spatiaux l’avaient délaissé depuis de nombreuses décennies au profit de la station spatiale internationale et de missions d’exploration du système solaire. 

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Dominé par la compétition grandissante entre les États-Unis et la Chine, le retour sur la Lune est, dorénavant, motivé par l’étude et l’exploitation de ses ressources. Parmi elles, l’hélium‑3 représente le potentiel le plus significatif dans le domaine énergétique. Cet isotope non radioactif est un carburant idoine pour le fonctionnement d’un réacteur à fusion qui consiste à le faire s’allier avec du deutérium, avec l’avantage de ne pas produire de neutrons. 

Encore au stade expérimental, la capacité à contenir une telle énergie dans la chambre de confinement du réacteur conditionne sa réalisation. En septembre 2021, l’entreprise états-unienne Commonwealth Fusion Systems, basée dans le Massachusetts, annonce la création, à l’aide d’un électro-aimant supraconducteur à haute température, d’un champ magnétique de 20 teslas. Cela constitue une avancée remarquable, et dans cette perspective, l’extraction de l’hélium‑3 sur la Lune pourrait faciliter le développement de cette technologie de rupture.

Quel est le potentiel de l’hélium‑3 lunaire ?

Dès 1988, un rapport de la NASA dédié à l’hélium‑3 évoquait le potentiel de cet isotope pour l’avènement du réacteur à fusion nucléaire1. En outre, il présente théoriquement plusieurs avantages : une énergie abondante, décarbonée et sans déchets nucléaires. Sur le papier, ses atouts en font une ressource compétitive, d’autant plus que cet isotope est utile pour d’autres applications telles que la cryogénie, les ordinateurs quantiques et l’imagerie pulmonaire par IRM. Et la Lune en est le principal réservoir.

Depuis des milliards d’années, l’action des vents solaires a libéré des particules en haute énergie, dont l’hélium‑3 qui s’est accumulé sur la Lune par son absence d’atmosphère. Ressource renouvelable par définition, l’isotope se dépose régulièrement sur le sol sélène2 à travers l’activité constante du Soleil. Pourtant, comme le montre Ian Crawford, la notion d’abondance de cette ressource est à pondérer : la plus haute concentration observée dans les mesures effectuées sur des échantillons est de 10 parties par milliard (ppb), selon la masse, pour une concentration moyenne de 4 ppb dans la couche régolithique3.

Le retour programmé sur la Lune

Préalable incontournable à l’installation d’une base humaine, de nombreux États (Inde, Russie, Chine, Émirats arabes unis, etc.) préparent de nouvelles missions lunaires au cours de ces prochaines années. De loin, le programme Artemis, soutenu par la NASA, est celui qui s’avère le plus abouti à ce stade pour ce retour programmé. Aux côtés des États-Unis, de nombreux pays comme l’Australie, le Brésil, l’Italie, le Japon et le Luxembourg se sont joints à cet ambitieux projet. De son côté, la Chine, associée à la Russie, envisage également l’établissement d’une base lunaire. Cependant, le cahier des charges d’une telle entreprise reste actuellement incomplet pour sa concrétisation à l’horizon 2030, tant sur les moyens financiers que sur les dispositifs techniques.

À l’évidence, une installation permanente requiert la construction et le maintien d’infrastructures par le biais d’une utilisation des ressources disponibles sur place et d’un usage intensif de robots. À cet égard, la société australienne Luyten souhaite déployer la technologie d’impression 3D pour fournir des solutions de construction sur place4. Autrement dit, il s’agit de mettre en œuvre un écosystème artificiel lunaire facilitant les voyages avec la Terre. Pour mener à bien cette ambition, l’incubateur français TechTheMoon, basé à Toulouse, est le premier au monde dédié au développement d’une implantation permanente sur la Lune5. Malgré cette émulation, l’établissement d’une colonie humaine demeure une perspective lointaine. Ainsi, un récent rapport d’audit de la NASA pointe les retards cumulés du programme Artemis, en particulier le développement et les tests du module lunaire, ajournant de facto cette mission au-delà de 20246.

La Chine entame la course pour cette nouvelle frontière minière

Dans cette course scientifique et économique, la Chine a démontré une progression fulgurante dans ses activités spatiales en direction de l’objet céleste. Étape fondamentale dans le développement de son programme spatial, la Chine envoie, dès 2007, sa première sonde en orbite autour de la Lune. Depuis, les missions Chang’e 4 (2018) et Chang’e 5 (2020) ont permis des avancées significatives dans la connaissance et l’étude des données sur la topographie et la composition du sol lunaire. L’un des objectifs de ces voyages est de déterminer la quantité exacte d’hélium‑3 présent. Pour cela, l’Institut de recherche de géologie de l’uranium de Pékin (BRIUG) mesure le contenu d’hélium‑3 dans le sol, évalue ses paramètres d’extraction et en étudie sa fixation. Ces avancées reflètent aussi la stratégie globale de Pékin sur la maîtrise des minéraux et métaux terrestres ainsi que de leur usage.

Dans l’ensemble, d’autres pays financent des programmes pour analyser le sol lunaire à l’image de la future mission du premier rover émirati programmée pour l’année 20227. Avec l’aide de l’atterrisseur lunaire de l’entreprise japonaise Ispace, le rover « Rashid » étudiera notamment sa composition géologique et ses propriétés. Sans nul doute, ces missions contribuent à évaluer son potentiel minier.

De nombreux obstacles

Immanquablement, les missions scientifiques sont amenées à se poursuivre au cours de la prochaine décennie pour continuer les relevés de roches régolithiques vers de nouveaux territoires lunaires. Par sa valeur scientifique inestimable, elle traduit un des fondements de l’entreprise humaine de l’exploration spatiale qui repose sur l’éventualité d’exploiter les ressources extra-terrestres apparaissant, par définition, illimitées. Quoi qu’il en soit, la mise en place d’une filière minière extra-terrestre comporte des contraintes d’investissements et d’infrastructures telles que le déploiement des ressources renouvelables existantes sur Terre demeurera moins onéreux. En réalité, le coût énergétique de l’hélium‑3 lunaire – de son extraction à son usage dans un réacteur à fusion nucléaire – en ferait, tout au plus, une contribution plutôt marginale à nos besoins énergétiques à long terme.

Si les verrous technologiques et financiers existants freinent ostensiblement le lancement d’une telle entreprise en dehors du système terrestre8, les politiques de recherche et de développement soutenus dans plusieurs pays sont en ce sens un moyen de maintenir cette possibilité ouverte. Somme toute, cette faisabilité pourrait se dénouer à l’occasion du franchissement d’un seuil technologique corrélé à sa rentabilité économique. Dernier point, les traités internationaux actuels n’offrent pas un cadre politique et juridique pour mener des activités minières sur la Lune. Dans l’intervalle, une réflexion doit donc être engagée sur le statut de l’objet céleste qui pourrait être in fine similaire à celui de l’Antarctique, en devenant un espace neutre dédié à la science.

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Cette publication est également disponible en anglais

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Florian VIDAL

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Chercheur associé, Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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