Défense Européenne : les 27 au pied du mur ?
100 milliards d’euros pour réarmer l’Europe. C’est la proposition faite ces jours-ci par Thierry Breton, commissaire européen au portefeuille bien garni puisqu’il a en charge le numérique, l’industrie, le marché intérieur, l’espace et la défense.
100 milliards d’euros : de quoi permettre aux Européens d’augmenter significativement leurs capacités de production d’armes. Pour quoi faire ?
D’abord bien sûr pour aider l’Ukraine, qui entrera bientôt, le 24 février prochain, dans sa 3ème année de guerre avec la Russie. Kiev a besoin d’une aide plus massive, et plus rapide.
Ce que propose Thierry Breton, c’est que l’Union européenne participe au financement des industries de défense « sans attendre d’avoir d’abord les commandes des États ». À Davos, Emmanuel Macron lui emboite le pas en reprenant l’idée d’une Europe qui investit en commun, au moyen d’eurobonds, comme elle l’avait fait lors de la pandémie du Covid pour se prémunir des effets sur son économie.
On sait ce qu’il advint de la Communauté européenne de Défense (CED) en 1954, expédiée aux oubliettes après le rejet du Parlement français. Car la défense, c’est le domaine par excellence dans lequel s’exerce la souveraineté nationale. Par ailleurs, un pays comme l’Allemagne rechigne à un tel système : pour les Allemands, mutualiser, cela signifie mettre beaucoup plus que les autres dans le pot commun.
Sauf que depuis deux ans, la situation internationale a changé.
Comme l’expliquait le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, cette semaine sur France Inter, le monde est soumis à « des dérèglements en chaine », une conflictualisation généralisée (en Ukraine donc, mais aussi au Proche-Orient, en mer de Chine, en mer Rouge, en Arménie, au Sahel… Jusque dans l’espace). Une « accélération » pour reprendre le mot d’Emmanuel Macron à laquelle l’Europe ne peut plus se contenter de répondre de manière traditionnelle.
Sur ces questions de défense, les 27 ne partent pas de zéro. Un fonds commun (doté de 7.9 milliards d’euros) existe déjà ainsi qu’un projet de force de déploiement rapide, avec pour objectif une autonomie stratégique. Le mois prochain, la Commission européenne doit dévoiler sa toute nouvelle stratégie industrielle de défense européenne.
Les choses bougent, mais bougent-elles dans le bon sens ?
- Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- Jean-François Colosimo essayiste, directeur des éditions du Cerf
- Corinne Lepage Ancienne ministre, ancienne euro députée, avocate
- Anne-Lorraine Bujon Directrice de la rédaction de la revue Esprit
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