Elections allemandes : pourquoi Angela Merkel est-elle si difficile à battre ?
Ses adversaires sont déjà résignés. Sauf cataclysme, Angela Merkel devrait aisément remporter les élections législatives allemandes, dimanche 24 septembre. La chancelière (CDU), largement en tête des derniers sondages devant son challenger Martin Schulz (SPD), devrait enchaîner un quatrième mandat, étirant un peu plus son exceptionnelle longévité à la tête de la première puissance européenne
Au pouvoir depuis 2005, celle que les Allemands surnomment "Mutti" (maman) a traversé les années sans subir l’usure du pouvoir, alors qu’Emmanuel Macron, élu en mai, voit déjà sa popularité s’étioler. Mais quel est le secret d’Angela Merkel, imbattable et inamovible chancelière ? Europe 1 a posé la question à Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri et professeur à la Sorbonne.
Pourquoi les Allemands aiment-ils tant Angela Merkel ?
Plusieurs facteurs expliquent cette adhésion. Traditionnellement, les chanceliers inspirent confiance. Helmut Schmidt (1974-1982), Helmut Kohl, qui a effectué quatre mandats (1982-1998, record en Allemagne, ndlr), et même Gerhard Schröder (1999-2004) en ont bénéficié. L'Allemagne est un pays qui a connu des soubresauts importants dans son histoire. Les Allemands détestent l'instabilité politique et économique.
Or, Angela Merkel rassure dans un monde instable. Sa politique est raisonnée, dépassionnée. De plus, elle ratisse très large. Elle s'est ouverte au centre-gauche avec l'arrêt du nucléaire, l'ouverture des frontières aux migrants ou encore le mariage homosexuel. Même des électeurs de centre-gauche pourraient voter en sa faveur.
Sa politique pragmatique, au centre, explique-t-elle donc son succès ?
Oui, tout à fait. Elle incarne un conservatisme modéré et moderne auquel on peut adhérer, même si on n'est pas un électeur pur et dur de la droite par exemple. Elle domine le centre, il faut donc se positionner à l'extrême gauche ou à l'extrême droite du spectre politique pour incarner une opposition. Ce n'est pas pour rien si les deux partis extrémistes (AfD à l'extrême droite et Die Linke à l'extrême gauche, ndlr) ont presque 20% ensemble dans les sondages.
Elle peut faire une coalition aussi bien avec les Libéraux du FDP (droite), que les sociaux-démocrates (SPD) ou les Verts (gauche). Cela ne lui pose aucun problème. Elle est compatible SPD, Verts et Libéraux. C'est ce qui en fait la personnalité incontournable de la vie politique allemande.
Son bilan, jugé bon par de nombreux observateurs, est-il inattaquable par ses adversaires ?
La situation économique est très bonne, Merkel en profite, en dépit d'une précarité qui touche 20% de la population. Mais une majorité très élevée d'Allemands considère leur situation personnelle comme satisfaisante. Il n'y a pas de mécontentement économique. Autre aspect, elle a su écarter très tôt ses rivaux potentiels quand elle a pris la tête de son parti, la CDU. Aujourd'hui, il n'y a pas d'alternatives à Angela Merkel dans son propre parti. Cela va poser un énorme problème quand il faudra penser à sa succession.
Pourquoi aucun candidat de l'opposition n'arrive à émerger ? Qu'est ce qui la rend si difficile à battre ?
Merkel a une telle légitimité qu'elle n'a même pas besoin de mener campagne. Le débat politique était très pauvre en Allemagne ces derniers mois. Il lui suffit de gouverner, de se montrer sur les grands théâtres de politique internationale pour incarner sa propre succession. Cette situation désespère Martin Schulz (le candidat du SPD, deuxième dans les sondages), qui aurait aimé faire une campagne de fond. Mais Angela Merkel a évité tout débat en répondant que de toute façon, le pays arrivera à résoudre ses problèmes.
De plus, la gauche est fortement divisée entre les sociaux-démocrates (SPD) et l'extrême gauche (Die Linke). Cette division traverse l'Allemagne depuis plus d'un siècle. Aujourd'hui, c'est l'extrême droite qui mobilise le mécontentement social. Si elle est encore largement populaire, Merkel rencontre une forte opposition dans les villes d'Allemagne de l'Est. C'est une opposition minoritaire, mais très bruyante. Ces protestations ne sont cependant pas spontanées, mais organisées par l'extrême droite allemande.
Les Allemands n’éprouvent-ils pas un désir de renouvellement démocratique ?
C'est une question que pose l'AfD, l'extrême droite, en disant que les vieux partis n'incarnent plus la vie politique allemande. Mais les 85% d'Allemands qui ne votent pas pour l'AfD se retrouvent toujours dans les quatre ou cinq partis qui ont dominé la vie politique allemande depuis la Seconde Guerre mondiale. Il n'y a pas de volonté de renouvellement démocratique.
Lire cet interview sur le site d' Europe1.
Média
Partager