En Chine, Xi Jinping pourrait se maintenir au pouvoir plus de dix ans
Le président chinois Xi Jinping, dont le prévisible deuxième mandat doit s'achever en 2022, renforce son emprise sur le pays.
Xi Jinping, le président de la République populaire de Chine, serait-il en train de se «poutiniser»? Selon une règle tacite, le leader chinois, à la tête du Parti communiste depuis novembre 2012, est censé désigner son successeur lors du prochain congrès, qui aura lieu fin 2017, et devrait le reconduire pour cinq ans. Mais le dirigeant chinois le plus autoritaire depuis Mao Zedong pourrait s'affranchir de cette tradition. C'est en tout cas l'hypothèse avancée par des proches du pouvoir qui se sont confiés au New York Times, et qu'évoquaient certains experts depuis plusieurs mois. Ces rumeurs alimentent les spéculations sur le maintien au pouvoir de Xi Jinping au-delà de 2022, et donc des deux mandats habituels, selon les principes édictés par Deng Xiaoping pour éviter l'installation à vie d'un dictateur du style de Mao Zedong.
«Il a livré un combat de longue haleine pour consolider son pouvoir, il semble peu probable qu'il le lâche au moment où il peut enfin y parvenir.» Jean-Pierre Cabestan, sinologue à l'université baptiste de Hongkong
La question de la succession va se poser dès la fin du mois, alors que le comité central du Parti doit se réunir en séance plénière à Pékin, essentiellement pour définir les grandes lignes d'organisation et de gouvernance jusqu'au 19e congrès. Or, Xi Jinping ne semble pas avoir identifié de successeur suffisamment expérimenté et pourrait se donner plus de temps pour en former et en tester un.
Mais cet ancien fils d'un haut gradé de la révolution victime d'une purge maoïste pourrait aussi chercher à sécuriser son avenir. «Il a livré un combat de longue haleine pour consolider son pouvoir, il semble peu probable qu'il le lâche au moment où il peut enfin y parvenir», souligne Jean-Pierre Cabestan, sinologue à l'université baptiste de Hongkong.
«Xi Jinping s'est fait beaucoup d'ennemis en touchant aux intérêts de ses rivaux.» Zhang Lifan, historien indépendant
Et ce d'autant que Xi Jinping, même s'il contrôle les principales instances dirigeantes du pays, n'a pas encore écarté tous les dangers. Il dispose de peu de réels soutiens au sein du comité permanent du Parti, dont cinq membres sur sept (tous sauf lui-même et son premier ministre, Li Keqiang) devront être remplacés en 2017 pour atteinte de la limite d'âge. D'où l'enjeu de placer ses protégés.
Autre facteur de risque, le secrétaire général du Parti de 63 ans est contesté en interne. Lancé dans une sévère politique anticorruption depuis son arrivée au pouvoir, «il s'est fait beaucoup d'ennemis en touchant aux intérêts de ses rivaux», explique Zhang Lifan, historien indépendant. Mais aussi en remettant en cause le principe de direction collective du Parti. Sans compter que les réformes économiques promises tardent à se concrétiser et que la croissance ralentit. Bref, Xi Jinping «n'est pas encore en mesure de s'assurer une protection après son mandat», estime Zhang Lifan.
« Lancé dès le début de son mandat, le recadrage politique et idéologique a été étendu en 2015 et 2016 à de nombreux domaines.» Alice Ekman, responsable des activités Chine à l'Ifri
Même si le jeu des prédictions est ardu, tant le système est opaque, Xi Jinping «pourrait aussi considérer que son maintien au pouvoir est nécessaire pour mener à bien les réformes engagées et éviter une fragmentation du pouvoir qui déstabiliserait le régime, alors que l'avenir s'annonce plus troublé sur les fronts économiques et sociaux», analyse Jean-Pierre Cabestan. Parmi les scénarios possibles, Xi Jinping «pourrait passer la main comme président, mais conserver la direction du Parti et celle de la commission militaire», avance-t-il.
Le numéro un chinois a déjà considérablement renforcé son emprise sur le pays. «Lancé dès le début de son mandat, le recadrage politique et idéologique a été étendu en 2015 et 2016 à de nombreux domaines», explique Alice Ekman, responsable des activités Chine à l'Ifri. Xi Jinping a «accru son pouvoir sur les médias»- en accentuant la censure, notamment sur Internet - mais aussi sur les ministères, l'armée et les entreprises d'État, les écoles, les universités, les arts, la recherche ou les religions, poursuit cette chercheuse. La répression s'est aussi accélérée, via des mises en résidence surveillée, des emprisonnements ou des «confessions télévisées» forcées.
Article paru dans Le Figaro
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