Eurasisme : La Russie au centre du jeu
Désignant tour à tour un espace géographique, une idéologie politique et le mythe d’une civilisation des steppes, l’Eurasisme est né il y a près d’un siècle suite à la Révolution d’Octobre. Depuis les années 2010 l’idée connait un regain de popularité en Russie, jusqu’au sommet du Kremlin.
De la création de l’Union économique eurasiatique dans les années 2010, à la volonté de mettre en place, plus récemment, une Grande Eurasie, le président russe Vladimir Poutine choisit d’inscrire la Russie dans une géographie la plaçant au centre du monde. Craignant de se retrouver marginalisé entre une Union européenne de plus en plus intégrée et une Chine de plus en plus puissante, Moscou a trouvé, avec l’idée d’Eurasie, une manière de reprendre la main.
Ce positionnement revisite l’eurasisme, théorie politique d’abord développée par l’émigration blanche dans les années 1920. Pour les penseurs eurasistes, comme Nikolaï Troubetskoï, la Russie n’est ni slave, ni occidentale, mais eurasienne, une civilisation à part. Cette dernière est imprégnée de l’orthodoxie slave bien sûr, mais aussi de l’islam des peuples turcophones. Abondamment développée hors des frontières de l’Union soviétique, qui rejette l’héritage religieux dont ses penseurs se prévalent, le concept est revisité à l’intérieur de l’URSS par Lev Goumilev, qui y ajoute une forme de déterminisme environnemental. Ses idées ont connu une certaine postérité en Russie, Poutine ayant lui-même cité Goumilev dans des discours, mais également au Kazakhstan, où l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev a créé une université à son nom. Dans la Russie contemporaine, c’est désormais un néo-eurasisme d’extrême droite qui s’invite dans le débat public, porté notamment par Alexandre Douguine.
Le néo-eurasisme d'Alexandre Douguine
Parmi les figures communément associées à l’eurasisme, celle du penseur Alexandre Douguine s’impose aujourd’hui comme centrale. Pourtant, ce médiatique conservateur à la longue barbe raspoutinienne, parfois crédité de murmurer à l’oreille du Kremlin, défend une idéologie bien éloignée de l’eurasisme des origines.
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Rédacteur en chef de Philosophie Magazine, agrégé et docteur en philosophie, il est spécialisé en phénoménologie et en philosophie russe.
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Géographe, chercheur à l’Observatoire des Etats post-soviétique et coordinateur de l’Université Franco-Géorgienne à Tbilissi
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Chercheuse associée à l'Ifri, professeure à la George Washington University
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