Ferdinand Marcos Jr, dit « Bongbong », investi président des Philippines
La cérémonie, devant l’imposant Musée national des beaux-arts, au cœur de Manille, est hautement symbolique : le nouveau chef de l’Etat exauce les rêves de retour au pouvoir de sa famille, trente-six ans après l’effondrement de la dictature, en février 1986.
Annoncée comme « simple et solennelle », l’investiture, jeudi 30 juin, du nouveau président, Ferdinand Marcos Jr, 64 ans, dit « Bongbong », devant l’imposant Musée national des beaux-arts, au cœur de Manille, est hautement symbolique : derrière ses allures d’ex-enfant gâté, et l’image de dilettante qui lui a longtemps collé à la peau, « Bongbong » Marcos exauce le rêve longtemps professé par la famille Marcos d’un retour au pouvoir, trente-six ans après l’effondrement de la dictature, en février 1986.
Des opposants au clan Marcos se sont rassemblés à proximité du lieu de la cérémonie. Devant des centaines de dignitaires locaux et étrangers, dont le vice-président chinois, Wang Qishan, « Bongbong » s’est livré à une apologie de son père, l’ancien dictateur qui avait régné pendant près de trois décennies sur l’archipel : « J’ai autrefois connu un homme qui a vu le peu de choses qui avaient été accomplies depuis l’indépendance. Il les a réalisées », a déclaré Marcos Jr, affirmant que son père avait construit plus de routes et produit plus de riz que tous ses prédécesseurs réunis. « Il en sera de même pour son fils. Je ne me trouverai pas d’excuses », a-t-il promis, soucieux de s’inscrire dans une continuité du passé.
Ce retour est l’aboutissement d’une croisade de trois décennies, qui permit à « Bongbong » Marcos, tout comme à sa sœur « Imee », de se faire élire à des fonctions-clés – celles de gouverneur de province, de député, puis de sénateur, tandis qu’Imelda, la mère, fut deux fois élue députée. Il a tout d’un triomphe : « Bongbong » a été élu avec 58,7 % des voix, un record pour un président philippin sous l’actuelle Constitution. M. Marcos dispose par ailleurs, à travers les alliances tissées par Uniteam, le ticket gagnant formé avec Sara Duterte, la fille du président sortant et candidate victorieuse à la vice-présidence (tous deux sont élus séparément au suffrage universel), d’une majorité à la Chambre des représentants et au Sénat – et de la bienveillance, si ce n’est la complicité, des institutions très malléables de la démocratie philippine. La Cour suprême du pays a ainsi rejeté, mardi 28 juin, à l’unanimité, les deux dernières demandes en disqualification portées par des plaignants issus de la société civile, en raison d’impayés d’impôts du temps de la dictature de son père.
Devant le bâtiment à colonnades du musée, qui abritait le Parlement philippin jusqu’à ce que Marcos père le suspende en proclamant la loi martiale en 1972, « Bongbong » a livré son premier discours de président devant une foule de partisans vêtus de rouge, couleur de sa campagne. Placé sous haute sécurité, avec de plus de quinze mille policiers, soldats et gardes-côtes déployés dans l’ensemble de la capitale, l’ancien Parlement fut aussi le lieu des premières grandes manifestations étudiantes, en janvier 1970, ayant suivi la réélection de Marcos père, quelques mois plus tôt, malgré la déroute financière du pays.
Marcos fils est, à plus d’un titre, attendu au tournant : en matière de gouvernance économique – il a gardé le portefeuille du ministère de l’agriculture, le seul secteur qu’il a déclaré vouloir réformer, durant sa campagne – et politique, mais aussi de positionnement dans la partie d’échecs géopolitique qui se joue entre la Chine et les Etats-Unis dans la région.
Bonne disposition de Washington
Alors que Pékin a envoyé M. Qishan aux cérémonies de jeudi, Washington y a dépêché Douglas Emhoff, le mari de la vice-présidente américaine, Kamala Harris – un signe, selon les commentateurs, de la bonne disposition de Washington vis-à-vis du nouveau président, après les turbulences traversées par les relations bilatérales sous Duterte.
« Afin de préserver au mieux les intérêts avec leur ancienne colonie, les Etats-Unis n’ont d’autre choix que de s’entendre avec la famille Marcos », écrit Sophie Boisseau du Rocher dans une note récente de l’Institut français des relations internationales, rappelant les objectifs américains de « réinvestir plus activement la région (…) pour contrer l’influence et les ambitions croissantes de la Chine ».
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