Frank-Walter Steinmeier élu président de l'Allemagne
Le futur président de l'Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, désigné dimanche, 12 février, occupera un poste essentiellement honorifique mais disposera de réels pouvoirs institutionnels et d'une certaine influence sur les grands sujets de société comme l'Europe ou l'islam, explique Hans Stark, secrétaire général du Cerfa et chercheur à l'IFRI.
Sans surprise, Frank-Walter Steinmeier a été élu ce dimanche nouveau président allemand par les membres du Parlement (931 voix sur un total de 1239), en remplacement de l'ancien pasteur dissident de la RDA communiste Joachim Gauck, qui ne se représentait pas. Le social-démocrate Steinmeier avait le soutien d'Angela Merkel, qu'il a servie pendant plus de trois ans en tant que ministre des Affaires étrangères. Son nouveau rôle sera essentiellement honorifique, mais sa parole aura une réelle influence, explique Hans Stark, secrétaire générale du Comité d'études des relations franco-allemandes et chercheur à l'IFRI (Institut français des relations internationales) et professeur de civilisation allemande à la Sorbonne.
Edouard de Mareschal pour LE FIGARO. - Vu de France, on connaît très peu de choses sur le président allemand qui est beaucoup moins exposé médiatiquement que la chancelière. Comment expliquer cela, et quel est son rôle exact?
Hans Stark. - En Allemagne, c'est la chancelière qui gouverne réellement. Il est donc normal que le président soit bien moins exposé médiatiquement. Son rôle est limité. Il est le premier personnage de l'État allemand. En ce sens, son statut est un peu comparable à celui de la reine d'Angleterre. Sa fonction est avant tout représentative; il représente l'État allemand à l'intérieur et à l'extérieur de l'Allemagne. Mais le président dispose aussi d'une réelle autorité morale. Par ses prises de parole, qui se veulent transpartisanes, il donne les grandes orientations dans des débats publics où il prend position.
Cela signifie-t-il que le président ne tient pas de rôle institutionnel?
H.S. Pas tout à fait. Il dispose d'un réel contre-pouvoir à l'échelle exécutive, face au chancelier. Concrètement, chaque loi votée par le Parlement doit être signée par le président pour entrer en vigueur. S'il estime qu'un texte est contraire à la Constitution, il refuse de le signer et la Cour constitutionnelle s'en saisit. Si la Cour donne son feu vert, alors il devra le signer. Cela s'est déjà produit sur des sujets européens, comme la signature du Traité de Maastricht ou de celui de Lisbonne. Le président a aussi le pouvoir de dissoudre le Parlement pour provoquer des élections anticipées en cas de crise politique qui provoque un blocage. Par exemple, s'il n'y a plus de chancelier ou de gouvernement.
Comment le président est-il élu? Par le peuple?
H.S. Non, le président n'est pas élu par le peuple. Le système politique allemand a été pensé après la Seconde guerre mondiale par les Alliés et des juristes allemands pour empêcher tout césarisme. Cela s'explique évidemment par l'histoire de l'Allemagne. On veut éviter que le président ait une légitimité populaire trop importante. Il est donc nommé en deux temps: les partis doivent tout d'abord choisir leur candidat. Généralement, le parti majoritaire de la coalition au pouvoir nomme quelqu'un issu de ses rangs. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé concernant le futur président qui va succéder à Joachim Gauck. Angela Merkel n'a pas trouvé de candidat chrétien-démocrate qui corresponde aux exigences de la fonction. Elle s'est donc ralliée à la proposition du SPD, Frank-Walter Steinmeier, qui a été son ministre des Affaires étrangères pendant plus de trois ans et qui fait l'unanimité en Allemagne pour sa probité intellectuelle et morale. Une fois le candidat choisi, vient le temps de l'élection. Elle se fait dans le cadre d'une Assemblée fédérale - comparable au Congrès de Versailles en France -, qui réunit le Parlement, la Chambre des Landers et quelques personnalités de la société civile.
Comment son rôle est-il perçu en Allemagne?
H.S. De manière très positive, parce qu'il est considéré comme une forme de père de la nation. Il est connu et écouté des Allemands, parce qu'il se tient au-dessus de la mêlée. Mais sa popularité dépend beaucoup de son charisme, de sa qualité oratoire. Le président sortant Joachim Gauck a un talent oratoire exceptionnel. Son action a été saluée en Allemagne comme à l'étranger. Il a d'ailleurs reçu le doctorat honoris de la Sorbonne pour son travail à la tête de l'Allemagne, et s'est exprimé devant les Immortels de l'Académie française. Une première pour un chef d'État allemand depuis Frédéric II!
Un président a-t-il déjà joué un rôle prépondérant dans l'histoire politique allemande récente?
H.S. Sur le plan purement politique, non. Mais chaque président a influencé à sa manière les orientations politiques allemandes. Dans les années 1990, Roman Herzog a fait un grand discours sur la nécessité pour l'Allemagne de mener de profondes réformes économiques et sociales. D'une certaine manière, il a préparé le terrain pour toutes les lois du chancelier Schröder qui ont libéralisé l'Allemagne par la flexibilisation du droit du travail ou la réforme de l'assurance chômage. Un autre président, Christian Wulff, a prononcé en 2010 un discours fondateur sur l'islam. Devant le Parlement turc, il a souligné que les immigrés étaient durablement installés en Allemagne, et qu'il fallait accepter que l'islam était devenu la troisième religion du pays, après le catholicisme et le protestantisme. Dans une certaine mesure, cette prise de position a ouvert la voie à la politique migratoire défendue par Angela Merkel cinq ans plus tard.
Retrouvez l'interview sur le site www.lefigaro.fr.
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