Guerre en Ukraine : entre conditions impossibles et « méthode Gromyko », comment Vladimir Poutine entrave les négociations avec les États-Unis
Malgré les concessions à la Russie faites d’entrée par Donald Trump, les pourparlers de paix sont enlisés, et la seule avancée, l’accord sur l’arrêt des frappes visant les infrastructures, reste largement lettre morte.

Avant son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a souvent claironné qu’il mettrait un terme à la guerre d’Ukraine en « vingt-quatre heures ». Près de quatre-vingts jours après son investiture, le président américain est-il toujours aussi sûr de lui ? Les doutes se multiplient sur l’objectif, un temps esquissé, d’un accord d’ici à Pâques. Sur le terrain, les forces russes progressent, même si c’est au prix de lourdes pertes. Les bombardements et autres attaques de drones sur les villes ukrainiennes se poursuivent. Quant aux pourparlers de paix ébauchés par le dirigeant républicain, ils n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.
« Le résultat provisoire de ce processus de négociation donne l’impression non pas d’une, mais de plusieurs pièces jouées à la fois, où il n’y a pas de script et où plusieurs metteurs en scène tentent d’imposer leur ligne, observe Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie-Eurasie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). L’ensemble est pour l’instant décevant, sans véritable avancée vers la paix. »
Certes, Donald Trump a bien tenté d’amorcer le processus, quitte à multiplier par avance les concessions à Vladimir Poutine. Mais sa méthode, tout à la fois brutale et désordonnée, décontenance ses plus proches alliés, tant elle semble faire le jeu de la Russie, qui, elle, ne cède rien.
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Vladimir Poutine soucieux de gagner du temps
Comme le président russe ne veut pas négocier en direct avec son homologue ukrainien, les deux parties sont en position asymétrique, ce dont le Kremlin cherche à tirer profit. Washington discute avec la Russie, non seulement de l’Ukraine mais aussi de la relance de la relation bilatérale sur des sujets secondaires : assouplissement des visas, règlement de contentieux immobiliers, reprise des vols directs, renouvellement du personnel des ambassades, voire organisation de matchs de hockey entre les deux pays. Quitte à sortir Vladimir Poutine de son isolement, et à précipiter un mauvais « deal » pour Kiev. A la fois acteur et médiateur, Donald Trump cherche moins à défendre son allié ukrainien qu’à se positionner en faiseur de paix pour mieux lancer son mandat de quatre ans. Ce à quoi il veut mettre fin, ce n’est pas une guerre d’agression, mais un « bain de sang ».
De son côté, Vladimir Poutine, potentiellement au Kremlin jusqu’en 2036, paraît surtout soucieux de gagner du temps. Il lance des leurres à droite, à gauche, pour brouiller les radars, tout en martelant ses vieux objectifs : la neutralisation de l’Ukraine et sa démilitarisation. Et il ne rate jamais une occasion de délégitimer Volodymyr Zelensky – en demandant une nouvelle élection présidentielle pour le remplacer.
La méthode de négociation de l’administration Trump, presque naïve, a de quoi dérouter ses partenaires.
« Par empressement, Trump perd des cartes d’entrée de jeu, en lâchant d’office ce qui aurait dû servir de levier de négociation, comme l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, et il fait déjà miroiter la levée des sanctions avant d’obtenir toute concession de la part de Poutine, souligne Tatiana Kastouéva-Jean. Pour l’instant, Trump n’a mis aucune pression sérieuse sur le Kremlin à part de vagues menaces de renforcement des sanctions et d’augmentation de droits de douane pour un commerce bilatéral faible. On se demande à ce stade ce que signifie sa formule de la “paix par la force”. »
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Moscou excelle à mener ses interlocuteurs par le bout du nez.
« Ce qui me frappe, sans me surprendre, est la posture maximaliste de Poutine, car ses objectifs restent inchangés : asservissement de l’Ukraine, rupture du lien transatlantique et affaiblissement de l’Europe, constate Thomas Gomart, directeur de l’Ifri. La position de l’administration américaine est inespérée pour le chef du Kremlin, tant il existe une collusion idéologique entre Moscou et Washington, un fort niveau d’intégration de la vision du monde du Kremlin par la Maison Blanche, notamment à propos de la mise en place de sphères d’influence, au détriment de l’Ukraine et de l’Europe en général. »
Selon une tactique bien rodée, connue des diplomates allemands et français impliqués dans les négociations de Minsk, lesquelles étaient censées trouver une issue au conflit dans le Donbass en 2014, Moscou excelle à mener ses interlocuteurs par le bout du nez, mettant sans cesse en avant de nouvelles exigences, concernant l’Ukraine, mais aussi l’ordre de sécurité européen.
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