Guerre en Ukraine : « Le Kremlin a demandé l’impossible a son outil militaire »
Dans une étude précise et documentée, le chercheur Dimitri Minic révèle que Moscou a d’abord cherché à provoquer « l’effondrement de l’Ukraine de l’intérieur ». L’invasion est l’échec de la doctrine militaire russe.
Voilà plus d’un an que l’Ukraine résiste à la Russie. Mais, selon vous, le plan initial du Kremlin visait à l’emporter par « des actions indirectes » : le chantage, les démonstrations de force… Pourquoi cet échec ?
Moscou comptait sur son vaste réseau de subversion russe en Ukraine — infiltration d’institutions, corruption et gestion de soutiens prorusses — pour contribuer à l’effondrement de l’armée et de l’État ukrainiens. Mais il s’est avéré fragile et défaillant : le FSB et le Kremlin ont surestimé les effets de cette subversion à la fois sur les élites et sur la population ukrainiennes. Par exemple, une ville russophone comme Kharkiv, hésitante en 2014, a opposé une résistance acharnée aux forces russes en 2022. Tout cela était bâti sur une illusion.
Cette stratégie a pourtant fonctionné en Crimée. Il n’y a pas eu d’effusion de sang…
Le contournement a permis à Moscou de remporter de vrais succès stratégiques en Ukraine en 2014-2015. Mais les gains politiques ont été, de fait, quasi nuls. À cette époque, l’efficacité de cette stratégie était certes due à la surprise et la coordination des Russes, mais la faiblesse politico-militaire de l’Ukraine a joué un rôle central. L’armée, la société et l’État ukrainiens se sont renforcés entre 2014 et 2022, mais Moscou ne l’a pas vu.
Le 24 février, l’armée russe a envahi l’Ukraine. Mais selon vous elle n’était pas préparée pour une telle entreprise. La deuxième armée du monde n’est pas aussi puissante que ça ?
L’armée russe n’a pas été réformée pour supporter une guerre traditionnelle longue, de haute intensité, très meurtrière et sans recourir à la mobilisation. Le Kremlin a tout simplement mal utilisé son outil militaire, en lui demandant l’impossible.
La raison principale est la mauvaise prévision de la nature de ce conflit. Moscou a cru que cela se passerait comme en Tchécoslovaquie (1968) mais cela a fini comme en Finlande (1939-1940).
> Lire l'interview dans son intégralité sur le site de Sud Ouest.
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