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Guerre en Ukraine : Quelles conséquences pour la France si le gaz russe est totalement coupé vers l’Europe ?

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Paris envisage de plus en plus ce scénario. L’Europe va-t-elle devoir composer sans gaz russe l’hiver prochain ? L’idée semble de plus en plus crédible, voire inévitable. La France est l’un des membres de l’UE les moins dépendants, va-t-on alors vers un scénario catastrophe ? Pour Paris, la bataille de l’hiver et des stocks d’énergie a déjà commencé.

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Le gaz russe devient plus rare en Europe que l’huile de tournesol ou la moutarde. Ce lundi, le géant Gazprom a encore réduit d’un tiers ses exportations à destination de l’Italie. Au même moment, les deux gazoducs Nord Stream 1 sont coupés entre la Russie et l’Allemagne, pour dix jours de travaux. En théorie. Car rien ne dit que dans le contexte particulier de la guerre en Ukraine, les importations reprendront ensuite. Une baisse des approvisionnements qui a poussé le ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire, en déplacement dimanche à Aix-en-Provence, à se préparer « au scénario du pire ». Comprendre : une « coupure totale du gaz russe (est) aujourd’hui l’option la plus probable. »

Dans les faits, depuis le 15 juin, la France ne reçoit plus de gaz russe, Paris ayant refusé de payer Gazprom en roubles, condition fixée par Moscou pour maintenir ses exportations. On l’aura compris, la tendance n’est pas à un retour en arrière dans les prochaines semaines, voire les prochains mois. Avec quelles conséquences dans l’Hexagone ?

Un été relativement tranquille

Paris est bien moins dépendant du gaz russe que ses voisins transalpins ou allemands. Il ne représente que 17 % du gaz utilisé dans le pays, la France se fournissant également en Algérie et en Norvège, tout en comptant sur d’autres sources d’énergie, notamment nucléaire, renseigne Hugues Poissonnier, professeur d’économie et de stratégie à Grenoble Ecole de Management. Conséquence, selon l’expert : « à court terme, tout devrait continuer à bien fonctionner ». Voilà bientôt un mois que les approvisionnements sont coupés et vous n’avez sans doute pas vu de changements notables.

Au-delà du mix énergétique français, l’été explique en partie cette relative tranquillité, en raison d’une moindre consommation énergétique. Mais l’hiver se rapproche, et avec lui l’inquiétude. La Première ministre, Elisabeth Borne, ne disait pas autre chose samedi : « La France peut avoir des tensions sur le gaz cet hiver ».

Winter is coming

S’il est difficile de lire l’avenir, en cas de coupure totale entre la Russie et les Européens, il faut s’attendre à une énergie chère. « Même si la France n’est pas très dépendante du gaz russe, cela ferait augmenter le prix du gaz à l’échelle mondiale, ce qui finirait par se répercuter sur le pays », explique Maria-Eugenia Sanin, maîtresse de conférences en économie à l’Université Paris Saclay. C’est l’effet domino : les pays européens s’échangent de l’énergie, notamment de l’électricité, si bien que l’impact du boycott de la Russie sur les Nations les plus dépendantes, comme l’Allemagne, est ressenti en France, quelle que soit son autonomie vis-à-vis de Moscou.

De grandes restrictions pourraient donc avoir lieu. Outre-rhin, un plan d’économie a déjà été adopté : fini le chauffage au-dessus de 20 °C l’hiver prochain, par exemple. « En France, les premières restrictions devraient concerner les bâtiments publics, afin de donner l’exemple. En second lieu, l’industrie serait touchée. Les entreprises consommant le plus d’énergie pourraient être obligées de reporter leur production. Enfin, c’est aux particuliers et aux ménages qu’on imposerait des restrictions », liste Carine Sebi, économiste à Grenoble Ecole de Management et spécialiste du secteur de l’énergie.

« Nous allons rentrer dans une gestion de la rareté, en essayant, dans la mesure du possible, de choisir nos restrictions afin de privilégier les moins contraignantes possibles, qui ne mettent en péril ni l’économie ni la population », annonce Carole Mathieu, responsable des politiques européennes au Centre Énergie & Climat de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Bruno Le Maire a par exemple cité la possibilité de ne plus chauffer les piscines.

Besoin de stocks

Sans rien imposer, plusieurs grands groupes, comme TotalEnergie, ont déjà demandé aux Français de limiter leur consommation d’énergie cet été. L’idée est simple : moins on dépense maintenant, plus grandes seront les réserves pour l’hiver.

  • « Par définition, on ne peut pas stocker de l’électricité, mais on peut stocker les moyens de la produire », précise Hugues Poissonnier. Du gaz, du pétrole… La France dispose de stocks de gaz remplis à 67 % et vise 80 % pour novembre, renseigne Carole Mathieu. L’an passé, ils n’étaient pleins qu’à 50 % en début d’été, note Maria-Eugenia Sanin, preuve que Paris tente de prendre les devants.

« Le gaz naturel liquéfié (GNL) est aussi une option, car il se produit dans des pays plus conciliants que la Russie, comme les Etats-Unis. Mais il coûte extrêmement cher, pose de sérieux problèmes écologiques et tout le monde va se l’arracher, posant des limites de réserve », pose Hugues Poissonnier. D’autres énergies fossiles pourraient être appelées à la rescousse : une utilisation accrue du pétrole – et même le retour du charbon – sont envisagés en France. Mais « réouvrir des centrales à charbon serait une décision aberrante sur le plan écologique et un vrai pas en arrière. Cela montre l’urgence de la situation », indique Carine Sebi.

Un hiver chaud est demandé à l’accueil

C’est que le nucléaire, mastodonte de l’énergie française (40 % du mix énergétique), n’est pas très adaptable. « C’est une énergie de la régularité, pour un besoin constant et stable, mais qui s’accommode mal avec des pics de consommation comme en hiver. Face à ces hausses soudaines, il faut de l’énergie qui s’adapte très rapidement », poursuit le professeur.

Prix exorbitants, demande mondiale, énergie mal adaptée, l’hiver risque donc bel et bien d’être rude si le gaz russe ne vient pas retoquer à nos portes. « Cela dépendra aussi des températures. Plus il fera froid, plus nos capacités seront mises à mal », déclare Carine Sebi. Pour s’en sortir cet hiver, il faudra donc s’en remettre en partie… au hasard de la météo.

 

> Lire l'article sur le site de 20 Minutes

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Carole MATHIEU

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Ancienne Responsable des politiques européennes au Centre Énergie et Climat de l'Ifri

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