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La carte française dans l’Indo-Pacifique

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Au lendemain de la participation d’Emmanuel Macron au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique, Sophie Boisseau du Rocher revient sur les enjeux de la présence française dans cette partie du monde. Et sur ses limites

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Invité « exceptionnel » et premier invité européen au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) vendredi 19 et samedi 20 novembre, le président français a poursuivi son périple sud-est asiatique (il arrivait du G 20 à Bali). Ici et là, et alors que de mauvaises nouvelles en provenance d’Ukraine étaient annoncées, il a rappelé la nécessité de « travailler à l’unité du monde, à la paix et au multilatéralisme », le besoin de « respecter le droit international » et celui de relancer une « coopération multilatérale convergente ».

Au-delà de ces principes généraux qui font l’unanimité, la France cherchait, par la voix de son plus haut représentant, à défendre son rang et ses intérêts dans une région à la fois de plus en plus déterminante pour les équilibres mondiaux et de plus en plus instable aussi. La région est désormais définie comme une des priorités diplomatiques du Président Macron. Il s’agit de montrer nos ancrages – notre Zone Économique Exclusive est la seconde au monde avec 11 millions de km² grâce à nos territoires dans les océans Indien et Pacifique, 1,65 million de nos concitoyens y vivent, 7 000 entreprises françaises y déploient leurs talents — et d’afficher nos ambitions dans ce nouveau centre névralgique des flux mondiaux – pas loin de 80 % du transit maritime mondial, près de 60 % de la population mondiale et 55 % du PIB mondial !-.

La France dispose de multiples leviers, à la fois militaires (8 000 soldats y stationnent en permanence, régulièrement soutenus par le déploiement d’unités mobiles comme le porte-avions Charles de Gaulle, et nos exportations d’armement sont en hausse constante), économiques (24 % de notre commerce mondial), politiques et diplomatiques (notre stratégie Indo-Pacifique, lancée en 2018, constamment réévaluée avec nos partenaires européens) qu’elle active avec discernement. Cela n’empêche : vue de l’immense Asie-Pacifique, la France paraît petite.

D’autant plus petite que les défis qui s’accumulent sur ce théâtre stratégique font l’objet de tensions répétées qu’il s’agisse de la menace nucléaire nord-coréenne, du risque taïwanais ou des constructions militaires chinoises en mer de Chine du Sud. Autant d’abcès anciens qui ne trouvent toujours pas de solution diplomatique.

Travailler de concert

Dans ce contexte instable, les ambitions chinoises – notamment dans le Pacifique depuis la signature d’un accord de sécurité entre Pékin et les îles Salomon en avril 2022 – inquiètent les puissances qui s’y trouvent, les États-Unis et leurs alliés en tête dont la France, partie intégrante dans le grand océan. On a un temps évoqué le Pacifique comme un lac américain. C’est de moins en moins vrai et de nombreux experts relèvent à présent le niveau des risques de conflit. Avec d’évidents impacts sur le rayonnement français.

Dans ce contexte, Paris a profité de sa présence aux deux sommets non seulement pour légitimer son ambitieuse stratégie Indo-Pacifique et la coordonner avec celles des pays régionaux (Japon / Corée du Sud / Association des nations de l’Asie du Sud-Est) mais aussi plaider pour une troisième voie qui résonne en écho aligné avec les options des pays d’Asie du Sud-Est. Entre les deux mastodontes que sont la Chine et les États-Unis, être suffisamment agile pour desserrer l’étreinte de leur hégémonie, sortir des polarisations et pratiquer une « stratégie de l’équilibre ». Nul doute que seule une approche « coopérative et inclusive » pourra nous permettre de désamorcer les risques de conflits annoncés.

On s’interroge cependant sur les capacités réelles que notre pays serait capable de mettre en œuvre en cas de tension grave : au-delà du capital de sympathie évident que le Président Macron a soulevé dans la région (ah ! la visite dans un petit restaurant de rue à Bangkok qui rappelle celle du président Obama à Hanoï), l’Asie-Pacifique pourrait aussi être le tombeau de nos dernières illusions de puissance.

 

> Lire la tribune sur le site d'Ouest-France

 

 

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Sophie BOISSEAU du ROCHER

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri