La Chine encercle Taïwan pour intimider son nouveau président
Au lendemain de l’investiture de Lai Ching-te, Pékin a lancé des manœuvres aéronavales de grande ampleur autour de l’île. Le début d’une escalade fatale ?
« Les forces indépendantistes finiront le crâne brisé et dans le sang. » Ce jeudi, en conférence de presse, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Wang Wenbin, ne mâchait pas ses mots – digne représentant des diplomates loup-guerrier, si ce n'est des outrances de l'ère Mao. Il reprenait en fait une formule employée par Xi Jinping pour les Hongkongais fin 2019, avec cette fois en ligne de mire le nouveau président taïwanais, Lai Ching-te, qui a prêté serment le 20 mai.
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Devenus désormais réguliers depuis août 2022, ces exercices militaires sont d'abord des opérations de guerre psychologique, accompagnés d'un véritable « bombardement » de désinformation et d'une « bataille de narratifs ». La Chine tente d'abord d'imposer l'idée que la minuscule île voisine a « provoqué » sa réaction militaire. Li Xi, porte-parole du commandement du théâtre oriental de l'Armée populaire de libération (APL, nom officiel de l'armée chinoise), a d'emblée présenté les opérations chinoises comme une « punition sévère pour les actes séparatistes des forces “indépendantistes de Taïwan” et un avertissement sévère contre l'ingérence et la provocation des forces extérieures ».
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Guerre psychologique
Pour expliquer la colère de l'exécutif chinois après la cérémonie inaugurale de Lai Ching-te, un article du quotidien londonien Financial Times mettait en avant des détails dans son discours d'investiture. En résumé, le nouveau président taïwanais aurait trop insisté sur les distinctions entre la Chine et Taïwan, prêtant le flanc aux accusations de Pékin. « La République de Chine [nom officiel de Taïwan, NDLR] et la République populaire de Chine ne sont pas subordonnées l'une à l'autre », a-t-il en effet rappelé.
Mais cette justification des représailles chinoises, avancées d'abord par des analystes proches de l'opposition et du Kuomintang, le « Parti nationaliste chinois », favorable à la conciliation avec le continent, ne convainc pas parmi les experts internationaux.
« Lai n'a pas donné des raisons à Pékin de lancer des exercices d'envergures, balaie pour sa part Marc Julienne, directeur Asie de l'Ifri (l'Institut français des relations internationales). Ce genre d'exercice interarmées est planifié en avance, bien avant le discours inaugural de Lai, et d'ailleurs, l'ensemble des spécialistes et les Taïwanais eux-mêmes avaient anticipé les manœuvres. On ne connaissait juste pas la date ni l'ampleur. »
Aux yeux de la très grande majorité des spécialistes, le texte du discours d'investiture est en réalité un sans-faute, confirmant que Lai perpétuera la ligne très prudente de sa prédécesseure Tsai Ing-wen, et maintiendra la main tendue à la Chine. « Son discours est équilibré, pacifique, tourné vers le dialogue avec Pékin et la coopération avec le monde, juge Marc Julienne. La différence que l'on note avec le style de Mme Tsai est, et je suis d'accord sur ce point avec l'analyse de Katherine Hill dans le Financial Times, qu'il se départit de la subtilité de sa prédécesseure pour qualifier les entités politiques de part et d'autre du détroit. Lai n'est pas Tsai. Même s'il a affirmé à de nombreuses reprises s'inscrire dans ses pas, ils ont leurs différends, leur personnalité, leur style. »
« Le gouvernement taïwanais n'en devient pas plus menaçant ou plus déstabilisateur pour autant. Mais Pékin se saisit de tous les prétextes pour pousser plus loin la coercition. »
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Crise politique
En cela, les manœuvres « Glaive uni 2024A » sont un test pour la nouvelle présidence taïwanaise. Ne pas « se coucher » par avance porte-t-il ses fruits ? Le style plus direct de Lai ne lui aura à l'évidence pas coûté davantage qu'à Tsai.
« Cet exercice est légèrement moins important que celui d'août 2022, mais de plus grande ampleur qu'avril et août 2023, évalue Marc Julienne. Le fait d'avoir associé les gardes-côtes chinois pour des manœuvres autour des archipels administrés par Taïwan proche des côtes chinoises est une mesure de pression supplémentaire. »
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>>> Lire l'article dans son intégralité sur le site de Le Point.
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