La chute de Bachar Al-Assad, un revers d'ampleur pour la Russie de Vladimir Poutine
Le président syrien a trouvé refuge à Moscou. En 2015, le soutien du Kremlin lui avait permis de reprendre le contrôle d’une grande partie du pays. Cette fois-ci, l’armée russe, qui concentre ses moyens sur le front ukrainien, n’est pratiquement pas intervenue face aux rebelles islamistes. Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie à l'Ifri, analyse les conséquences de la situation en Syrie pour le Kremlin.
A Moscou, dimanche 8 décembre après-midi, le drapeau utilisé sous le régime de Bachar Al-Assad a été retiré du bâtiment de l’ambassade de Syrie en Russie ; lundi matin, celui de l’opposition syrienne était déjà hissé. Entre-temps, les agences de presse russes ont confirmé ce que la rumeur affirmait depuis sa chute, dans la nuit de samedi à dimanche. Le dirigeant syrien et sa famille se trouvent à Moscou et ils ont obtenu l’asile politique auprès des autorités russes.
Ainsi le Kremlin doit-il se rendre à l’évidence : avec la soudaine chute de son allié de longue date, il est mis devant le fait accompli. Mais, fidèle à son principe de ne pas abandonner les siens, il a offert refuge au dictateur déchu. « Assad et les membres de sa famille sont arrivés à Moscou. La Russie, sur la base de considérations humanitaires, leur a accordé l’asile », a indiqué une source du Kremlin citée par les agences Tass et Ria Novosti.
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Mutisme à Moscou
« La chute d’Assad, son allié sur lequel il a tant misé et qu’il a longuement soutenu, est aujourd’hui une sérieuse défaite pour le Kremlin, insiste un diplomate occidental en poste à Moscou. Pour la Russie, cela pourrait signifier la potentielle perte stratégique de bases militaires. Et, diplomatiquement, c’est la perte d’influence dans la région au profit de la Turquie et de l’Iran. »
Mais, face à ce revers, c’est presque le mutisme à Moscou où, comme si de rien n’était, le fils aîné de Bachar Al-Assad aurait soutenu le 29 novembre sa thèse de doctorat en sciences physiques et mathématiques à l’université d’Etat de la capitale russe. Ni les autorités ni les analystes n’ont voulu commenter la chute de son père.
« Ce qui se passe en Syrie est un revers stratégique régional et une humiliation pour la Russie. Un échec pour son armée mais aussi pour ses services de renseignements. Cette défaite peut être comparée au plan de retrait des Américains d’Afghanistan [en août 2021]. »
Mais la discrétion de Moscou pourrait aussi signifier que, en coulisses, le Kremlin a commencé à dialoguer avec les forces rebelles. « Nous nous efforçons d’entretenir de bonnes relations avec la Russie. Et dans ce contexte, nos intérêts communs doivent être considérés comme primordiaux », a d’ailleurs déclaré Anas Al-Abda, membre du comité politique de la coalition nationale de l’opposition et des forces révolutionnaires, dans une interview accordée à l’agence russe Tass.
« L’enjeu pour les Russes est désormais de réussir à participer d’une manière ou d’une autre aux futures négociations ».
La source du Kremlin qui a confirmé la présence de Bachar Al-Assad à Moscou a d’ailleurs cherché à rassurer : la Russie se trouve déjà en contact avec les rebelles syriens et leurs dirigeants ont « garanti la sécurité des bases militaires et des institutions diplomatiques russes sur le territoire de la Syrie ». Cette source s’est aussi efforcée de rappeler que « la Russie a toujours été en faveur d’une solution politique à la crise syrienne. Nous partons de la nécessité de reprendre les négociations sous les auspices de l’ONU ». Mais, désormais, Moscou n’est plus le maître du jeu en Syrie.
Article à lire en intégralité sur le site du Monde.
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