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La crise entre Téhéran et Washington en Irak ravive les tensions sur le marché pétrolier

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cité par Nabil Wakim dans

  Le Monde
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La mort du général iranien Ghassem Soleimani, tué vendredi à Bagdad dans un bombardement américain, pourrait provoquer une flambée des cours.

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Tout paraissait aller pour le mieux dans le monde parallèle du pétrole : les cours du baril avaient terminé 2019 à 66 dollars (59 euros), la meilleure fin d’année depuis 2016. Les pays producteurs et les majors pouvaient souffler, après douze mois très volatils, l’or noir étant revenu à un niveau leur garantissant des revenus confortables. Comme si les débats sur le changement climatique et les tensions géopolitiques s’étaient dissipés.

Le début de 2020 sonne comme un rappel à l’ordre. La mort du général iranien Ghassem Soleimani, tué dans un bombardement à Bagdad, a fait bondir les cours, vendredi 3 janvier, alors que le pétrole connaissait déjà une sérieuse remontée depuis la mi-décembre. De quoi raviver les craintes d’une escalade régionale. Les prix des barils ont pris jusqu’à 4 % peu après l’annonce de mort du puissant général iranien Qassem Soleimani avant de terminer en hausse de 3,5 % pour le Brent à Londres et de 3,1 % pour le WTI à New York.

Cette alerte va-t-elle faire franchir un nouveau palier au conflit irano-américain ? Jusqu’ici, l’administration Trump était peu encline à réagir militairement. Pourtant, la tension est fortement montée ces derniers mois, après la multiplication des escarmouches dans le détroit d’Ormuz au printemps, puis l’attaque d’un drone militaire américain et le spectaculaire bombardement des installations pétrolières saoudiennes en septembre. A chaque fois, le marché pétrolier a flambé de manière très temporaire, mais est rapidement redescendu.

Pour les Etats-Unis, derrière les tensions géopolitiques dans le golfe Arabo-Persique, des changements plus structurels sont à l’œuvre. Alors que le monde consomme toujours plus de pétrole – la barre des 100 millions de barils a été franchie – la croissance de la production américaine est toujours aussi spectaculaire. En 2019, elle s’est élevée à plus de 11,5 millions de barils de brut par jour, ce qui a placé les Etats-Unis au premier rang mondial.

Très forte pression saoudienne

Conséquence directe : la production de pétrole de schiste pèse d’un tel poids sur l’échiquier mondial qu’elle oblige les autres pays producteurs à diminuer volontairement la leur pour éviter un effondrement des prix. Jusqu’ici, cette stratégie d’indépendance énergétique, prônée par Donald Trump, a éloigné les Américains des enjeux pétroliers en Arabie saoudite et en Irak.

Une situation qui a poussé les analystes à minimiser le poids des tensions géopolitiques dans le prix du baril ces derniers mois. Le locataire de la Maison Blanche ne semblait pas prêt à une guerre avec l’Iran. Dans l’esprit des autorités américaines, les sanctions extrêmement dures imposées à Téhéran pour l’empêcher d’exporter son pétrole commençaient à porter leurs fruits, en déstabilisant le pays et ses alliés dans la région.

Au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), où se côtoient l’Iran, l’Irak et l’Arabie saoudite, nul doute que l’on observera avec attention les conséquences de la mort du général iranien. Le cartel venait de décider, à la mi-décembre, de réaliser de nouvelles coupes dans la production pour faire remonter les cours du baril, qui lui semblaient trop bas. Les Saoudiens ont fait peser une pression très forte sur leurs partenaires pour respecter les engagements pris et réduire encore davantage la production. Ils en ont d’autant plus besoin qu’ils viennent d’introduire en Bourse Saudi Aramco, leur fleuron national, et que sa valeur dépend d’un prix du pétrole élevé.

Cette décision a été prise en lien avec Moscou, qui est devenu un partenaire privilégié du cartel depuis 2016, à travers une stratégie de réduction coordonnée de la production. En 2018, cette stratégie a été couronnée de succès. Mais en 2019, elle a montré ses limites : l’Arabie saoudite et ses alliés réduisent leur production, donc les prix augmentent, ce qui, en retour, incite les Américains à produire plus… ce qui fait retomber les cours.

La Chine de plus en plus gourmande en or noir

Si l’escalade militaire se poursuivait en Irak, le rapprochement russo-saoudien pourrait être mis à rude épreuve, Moscou entretenant des liens privilégiés avec Téhéran. « Les Russes ont construit une relation avec les Saoudiens. Ce pion géopolitique manquait à la Russie au Proche-Orient », analyse toutefois Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre Energie de l’Institut français des relations internationales, à Paris. Tout déséquilibre dans l’accord entre les Russes et les Saoudiens pourrait précipiter le marché pétrolier mondial dans l’incertitude et redistribuer les cartes.

Cette nouvelle crise en Irak ne doit toutefois pas faire oublier un autre facteur primordial qui a poussé les prix du pétrole à la baisse en 2019 : la demande mondiale du carburant envoie des signaux contradictoires. Certes, elle continue de croître, mais à un rythme moins soutenu du fait de la guerre commerciale sino-américaine. La demande de la Chine est telle qu’elle s’impose au monde entier. Même si elle développe à grande vitesse les véhicules électriques, elle est de plus en plus gourmande en or noir, pour répondre aux besoins énormes d’une population qui se motorise.

Tout ralentissement économique y entraîne donc, mécaniquement, une baisse de la demande. Dans le cas où les deux pays parviendraient à conclure une première étape d’un accord commercial en janvier, les tensions seraient susceptibles de baisser et de soutenir les prix du pétrole. « Mais il ne faut pas négliger la possibilité d’un scénario où aucun accord commercial n’est trouvé entre les deux pays, ce qui pourrait amener le baril autour de 50 dollars », prévient M. Eyl-Mazzega.

La stratégie de Donald Trump, qui a déjà en ligne de mire l’élection présidentielle de novembre 2020, sera cruciale. En cette année de campagne électorale, il se doit de maintenir un prix du baril peu élevé, car il sait que les électeurs républicains sont sensibles au coût de l’essence. Lors des élections de mi-mandat, en 2018, il n’avait pas hésité à tordre le bras des pays de l’OPEP pour faire baisser les cours. Il avait également octroyé des exemptions temporaires au pétrole iranien. Pour mobiliser son électorat, il va devoir à la fois montrer sa fermeté contre l’Iran et limiter la hausse des cours du baril. D’autant qu’il y a, sur ce sujet, une différence de fond avec les candidats démocrates, qui considèrent le changement climatique comme une priorité et prônent, pour les plus à gauche, l’abandon des énergies fossiles à brève échéance.

 > Lire l'article sur le site du journal Le Monde

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Marc-Antoine EYL-MAZZEGA

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Directeur du Centre énergie et climat de l'Ifri

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