« La France tente de rentrer dans le jeu diplomatique »
La déclaration du président en faveur d’une réunion internationale sur la Syrie s’inscrit dans un contexte marqué par une complexité et une confusion croissantes, rendant plus difficile la recherche d’une solution politique. Le conflit n’est plus seulement entre l’opposition et le régime, entre groupes djihadistes, entre ces groupes et le régime ou entre Kurdes et djihadistes.
À cela s’ajoute aujourd’hui un conflit ouvert entre la Turquie et les Kurdes et un engagement de plus en plus net d’Israël. Chacun des acteurs a des objectifs contradictoires et des jeux ambigus. Les États-Unis ont un jeu ambigu vis-à-vis des Kurdes et des Turcs, la Russie a un jeu ambigu à l’égard d’Israël.
Lorsque le président Macron a pris ses fonctions, la France était largement hors jeu dans le dossier syrien. Son objectif, clairement affiché dans son discours devant la conférence des ambassadeurs, le 29 août 2017, était de rentrer dans le jeu, et il a fait un certain nombre de propositions, notamment la création d’un groupe international de contact, un mécanisme qui a fait ses preuves dans la gestion des conflits dans l’ex-Yougoslavie. Cette proposition n’a pas été retenue. Les Russes entendaient contrôler le processus d’Astana et de Sotchi. Les Américains ont exclu d’emblée la présence de l’Iran dans ce groupe de contact.
« la France ne peut se désintéresser de la recherche d’une solution en Syrie »
Il y a place maintenant pour la relance d’une conférence internationale en commençant peut-être par un petit noyau et en élargissant ensuite à l’ensemble des acteurs, y compris l’Iran et l’Arabie saoudite. Après l’échec de la conférence de Sotchi, les Russes pourraient être incités à trouver d’autres moyens de progresser vers la recherche d’une solution. L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, doit faire des propositions sur la composition d’un comité constitutionnel. Il est important de lui apporter tout le soutien possible. Ce n’est pas facile mais la France ne peut se désintéresser de la recherche d’une solution en Syrie, compte tenu du risque de déstabilisation de l’ensemble de la région. La France peut contribuer utilement, avoir des idées pour faire avancer les choses et convaincre les Russes, acteur incontournable au contact du régime syrien, de l’Iran, de la Turquie et d’Israël. Par ailleurs, l’Iran a un intérêt à une stabilisation de la situation en Syrie.
En ce qui concerne l’utilisation d’armes chimiques, le président semble soucieux de cohérence, mais fixer des lignes rouges est un exercice délicat. Depuis l’attaque au gaz sarin commise à Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 et les frappes américaines, la Syrie aurait surtout utilisé du chlore dans la province d’Idlib comme dans la Ghouta. Une frappe, française ou américaine, aurait un caractère symbolique mais elle ne réglera pas le problème. Une autre ligne rouge fixée par le président a été franchie, c’est l’accès de l’aide humanitaire dans les zones de conflit qui n’est pas assuré aujourd’hui.
Denis Bauchard est conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri.
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