L’Allemagne paie 20 ans de complaisance vis-à-vis de Poutine
La volte-face historique de Berlin le 27 février devait rompre avec la sacro-sainte neutralité diplomatique. Sept semaines plus tard, les concrétisations se font attendre. Pas facile d’enterrer vingt années de liens commerciaux et d’indulgence vis-à-vis de la Russie.
« Contre la haine et le harcèlement », « La vérité et la diversité d’opinions plutôt que la propagande »… Ce sont d’immenses bandeaux noirs aux inscriptions blanches. Ils flottent au milieu des drapeaux blanc-bleu-rouge de la Fédération de Russie, certains ornés de l’aigle bicéphale, blason de l’Empire des tsars. Ces week-ends derniers, les avenues allemandes se sont remplies de manifestants descendus protester contre la « russophobie » au rythme du chant traditionnel russe « Kalinka ». A Francfort, capitale financière du pays, ils étaient 600 à être venus déposer des fleurs devant les grilles du cimetière principal, en hommage aux soldats soviétiques morts durant la Seconde Guerre mondiale. A Lübeck, dans le nord, un convoi affichait son « soutien à la guerre russe ».
A Berlin, 400 voitures en file indienne, parties des quartiers de l’est de la capitale, sont arrivées non loin de la gare centrale – où débarquent les réfugiés ukrainiens – et de la porte de Brandebourg − l’emblème de la ville resté pendant vingt-huit ans – de la construction du Mur à sa chute –, à l’époque de la guerre froide, dans un « no man’s land » gardé par des soldats de la République démocratique allemande (RDA). « Pour l’amour du ciel, comment avez-vous pu autoriser ce cortège de la honte ? », s’est étranglé Andrij Melnyk, l’ambassadeur d’Ukraine, dans un message adressé à la maire de Berlin. Son homologue russe, lui, s’est contenté d’applaudir : « Très bien. »
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« C’est le problème des Allemands, note Christian Lequesne, professeur à Sciences-Po. Ils veulent la normalisation de leur puissance, mais restent réticents par rapport aux fantômes du passé. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils ont fait la preuve de leur démocratie, mais ils ont toujours du mal à s’engager dans les conflits. ».
Paul Maurice, chercheur à l’Institut français des Relations internationales(Ifri), confirme :
- « L’Allemagne a annoncé une rallonge de 100 milliards d’euros et 2 % de son PIB [contre 1,5 % aujourd’hui] pour la mise à niveau de son armée. Mais dans quel but ? Avec quelle opérabilité ? Pour la sécurité nationale, dans le cadre de l’Otan, de l’Europe ? Aucune de ces questions n’a encore de réponse. »
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