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« Le Kazakhstan risque de devenir la marionnette de la Russie »

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interviewé par Marc Nexon dans

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ENTRETIEN. Spécialiste de l'Asie centrale à l'Ifri, Michaël Levystone analyse les raisons du soulèvement en cours au Kazakhstan, qui a déjà fait plusieurs morts.

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Vladimir Poutine et Kassym-Jomart Tokaïev
Vladimir Poutine et Kassym-Jomart Tokaïev
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Les régimes autoritaires des anciennes républiques soviétiques vivent des jours difficiles. Après la Biélorussie en août 2020, c'est au tour du Kazakhstan de connaître un soulèvement de grande ampleur. Tenu d'une main de fer depuis près de trois décennies par Noursoultan Nazarbaïev, 81 ans, le pays est en proie au chaos. Et compte déjà des dizaines de morts. Déboulonnage des statues du « leader de la Nation », occupation des bâtiments officiels, assauts des commissariats par les manifestants. Almaty, la ville historique et la plus grande du pays, échapperait désormais au contrôle des autorités. Une situation inédite dans ce pays de 19 millions d'habitants réputé pour sa stabilité, grand comme cinq fois la France et assis sur la 12e réserve mondiale de pétrole et la deuxième réserve mondiale d'uranium.

Placé à la tête du pays par Nazarbaïev en 2019, l'actuel président Kassym-Jomart Tokaïev, 68 ans, diplomate de formation, apparaît désormais impuissant. Dans une rhétorique bien connue, il dénonce « les terroristes et le rôle des forces étrangères ». Il appelle également à l'aide l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective), l'alliance militaire, fondée par la Russie aux côtés de l'Arménie, de la Biélorussie, du Kirghizistan, du Tadjikistan et du Kazakhstan. Des troupes essentiellement russes sont donc en route pour tenter de rétablir l'ordre. Michaël Levystone, spécialiste de l'Asie centrale à l'Ifri (Institut français des relations internationales) analyse les raisons de cette flambée de violence.

Le Point : Comment expliquer ce soudain soulèvement ?

Michaël Levystone : C'est une situation d'une violence totalement inédite dans ce pays. Ce sont des scènes que l'on avait plutôt l'habitude de voir au Kirghizistan voisin mais pas au Kazakhstan. Il y a bien eu un précédent en 2011 avec les grèves d'employés de la compagnie gazière à Janaozen qui réclamaient une amélioration de leurs conditions de travail et cela s'était terminé dans un bain de sang. Mais le mécontentement n'avait pas essaimé comme aujourd'hui à travers tout le pays. Les protestations sont apparues à la suite d'une augmentation du prix du carburant. Le président Kassym-Jomart Tokaïev a très vite fait marche arrière en ramenant le prix au niveau antérieur. Mais ça n'a pas suffi. La contestation s'enracine dans une critique de fond du régime, liée au manque de liberté, à une désespérance sociale, une absence totale de redistribution des richesses. Ce n'est pas tenable dans un pays qui dispose d'autant de ressources. Du coup, la contestation se concentre sur la figure de l'ancien président Noursoultan Nazarbaïev et de son clan.

Quel est l'avenir de ce clan ?

Tokaïev vient de prendre des mesures pour le marginaliser. Il a limogé l'ensemble de son gouvernement. Il a pris la tête du conseil national de sécurité, écartant ainsi Nazarbaïev. Et surtout, il a limogé le neveu de ce dernier, Samat Abich, de son poste de numéro deux du KNB (les services secrets du pays). Or c'était un personnage qui devait jouer un rôle crucial au sein du régime. Cette décision illustre le fait que tout s'écroule comme un château de cartes. L'ère Nazarbaïev semble terminée.

Quelles peuvent être les conséquences ?

Tokaïev a cependant perdu le contrôle de la situation. Son appel à l'aide auprès de l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) et l'envoi de troupes aéroportées russes le montrent clairement. D'autant que c'est la première fois que cette alliance militaire qui lie la Russie et plusieurs anciennes républiques soviétiques intervient. En 2010, les autorités kirghizes avaient aussi sollicité l'OTSC pour venir à bout d'émeutes. Mais à l'époque, la Russie avait refusé en expliquant qu'il s'agissait d'un problème interne.

Pourquoi la Russie décide-t-elle aujourd'hui d'intervenir ?

Pour la Russie, le Kazakhstan est un pays clé dans la région, un allié stratégique. C'est son premier partenaire commercial en Asie centrale, avec une immense frontière commune de plus de 7 000 kilomètres. C'est un État membre fondateur de toutes les organisations mises en place par Moscou. (Organisation de coopération de Shanghai, OTSC, Union économique eurasiatique). Il existe aussi une forte communauté russe dans le nord du pays. Bref, c'est un élément indissociable de toutes les tentatives d'intégration pilotées par la Russie dans l'espace postsoviétique.

Il faut aussi avoir en tête l'exemple biélorusse. Comme en Biélorussie, on assiste à un phénomène contestataire très massif dans un pays qui, en apparence, était tenu. Le pouvoir russe adresse aussi un message à son opinion : on agit face au désordre. Les Russes ne peuvent pas laisser la situation dégénérer dans un pays qui symbolisait le pôle de stabilité en Asie centrale. D'autant que le Tadjikistan et le Kirghizistan sont deux États faibles. Sans parler de l'Afghanistan qui n'est pas très loin.

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> Lire l'entretien en intégralité sur le site du Point (réservé aux abonnés)

 

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Michaël LEVYSTONE

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Ancien chercheur associé, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri

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