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Le temps des grandes missions de maintien de la paix de l'ONU est révolu

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interviewé par Christophe Rigaud dans 

  Afrikarabia
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Le 30 juin, le Conseil de sécurité de l'ONU a mis fin à la mission des casques bleus de la Minusma à la demande des autorités maliennes. En RDC, le gouvernement congolais a négocié un retrait porgressif de la Monusco. Selon Thierry Vircoulon, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "on voit la fin d'une époque, celle du maintien de la paix onusien dans sa version classique", notamment "parce que la réforme vers l'imposition de la paix n'a pas été possible". 

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Jean-Baptiste Premat/Shutterstock
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Afrikarabia : Le départ précipité des casques bleus de la Minusma du Mali et le retrait programmé de la Monusco en République démocratique du Congo (RDC) est-il le signe d’un échec de ces missions ?

Thierry Vircoulon : Oui, c’est le signe évident que ces missions sont en échec, notamment au Mali où le gouvernement a été hostile à la Minusma et a décidé de s’en débarrasser. Car vous pouvez avoir une mission en échec pendant très longtemps, mais tant qu’il y a le consentement du gouvernement, cette mission est maintenue par New-York. Par contre, si le gouvernement s’oppose à cette mission et demande son départ, il n’y a plus tellement de choix.

Afrikarabia : Peut-on analyser les raisons de ces échecs ?

Thierry Vircoulon : La première raison est qu’il n’y a pas de consensus politique entre les différents acteurs pour la mise en œuvre du mandat de la mission. Il faut rappeler que toutes les missions sont déployées après un accord de paix pour faire rentrer cet accord en application. Or, très souvent, les parties signataires de l’accord signent de mauvaise foi, et n’ont pas l’intention que l’accord soit véritablement appliqué. On peut dire que très souvent, ces missions reposent sur un faux consensus politique qui, rapidement, se délite. La deuxième raison, c’est qu’en règle générale, il n’y a pas de consensus pour ce qu’on appelle le « peace enforcement », c’est-à-dire l’imposition de la paix et l’application robuste du mandat. Les casques bleus restent donc sur une posture extrêmement timide, timorée, et ne parviennent pas à protéger efficacement la population. Cela donne lieu à des massacres qui discréditent les casques bleus aux yeux de la population et font que l’acceptabilité de la mission se trouve très réduite. Ce qui a été le cas pour la Minusma au Mali et la Monusco au Congo.

Afrikarabia : Est-ce que la principale difficulté de ces missions onusiennes est de vouloir maintenir une paix qui n’existe pas vraiment ? On le voit à l’Est de la RDC qui est en conflit depuis bientôt 30 ans.

Thierry Vircoulon : Oui, souvent les casques bleus sont envoyés pour maintenir une paix qui est illusoire et qu’un certain nombre d’acteurs ne veulent pas. C’est pour ça qu’il y a eu ce débat autour du « peace enforcement » il y a dix ans à New-York, où l’idée était de passer du maintien de la paix à l’imposition de la paix. Finalement, ce débat a échoué face à l’opposition de nombreuses parties, notamment des pays gros contributeurs de troupes comme l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh… Essentiellement pour ne pas que leurs soldats prennent trop de risques.

Afrikarabia : A l’Est du Congo, la Monusco a pourtant connu une réussite en 2013 en faisant reculer les rebelles du M23 après la création d’une brigade d’intervention rapide.

Thierry Vircoulon : Tout à fait, et cela a été le moment où on est entré dans une logique d’imposition de la paix. A cette époque, les planètes se sont alignées et il y a eu un consensus qui s’est fait entre les Nations unies, le gouvernement congolais, mais aussi la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe), puisque la brigade d’intervention, qui était ajoutée à la Monusco était une force composée de trois pays de la SADC. Il y avait donc à l’époque un consensus international, ce qui a permis de repousser les rebelles du M23. Ce consensus politique s’est ensuite dilué, puisque ce qui était censé arriver après l’opération contre le M23, c’était des opérations contre les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda). Cela n’a pas eu lieu parce qu’il n’y avait plus de consensus politique sur la cible.

Afrikarabia : Comment voyez-vous l’avenir de la Monusco en RDC ?

Thierry Vircoulon : Le retrait d’une mission de cette ampleur avec 12.000 hommes ne peut être que progressif. Cela ne peut pas se faire très rapidement. Par conséquent, ce qu’il faut envisager, c’est une réduction progressive du nombre de personnel, qui va s’accompagner aussi d’une réduction du mandat, qui sera de plus en plus restreint.

Afrikarabia : Qui pourrait prendre le relais de la Monusco ?

Thierry Vircoulon : Je ne suis pas sûr qu’il y ait des candidats pour prendre le relais à l’heure actuelle. La seconde crise du M23 a amené les forces régionales dans les Kivu. La force de l’East african community (EAC) a été sollicitée par le gouvernement congolais qui, maintenant, est extrêmement critique à l’égard de cette force, et qui voudrait peut-être qu’elle s’en aille pour la remplacer par des troupes de la SADC. On voit donc toute l’ambiguïté de la situation actuelle. Est-ce que la SADC est prête à remplacer la Monusco ? Certainement pas avec 12.000 hommes. Si elle envoie une force, ce sera une force de taille beaucoup plus modeste, avec un mandat également plus restreint. Quant à l’Union africaine, pour le moment, elle n’en a pas les moyens financiers. Il se peut que nous soyons dans une situation où personne ne remplace la Monusco.

Afrikarabia : Est-ce que ce vide sécuritaire peut être comblé par des entreprises privées de sécurité ?

Thierry Vircoulon : La seconde crise du M23 a déjà ouvert la porte au mercenariat. Dans les Kivu, un certain nombre de sociétés ont été contractées par les autorités congolaises pour venir appuyer l’action de l’armée congolaise. Donc, il est fort possible que l’on voit arriver de plus en plus de ces entreprises pour remplir, comme vous dites, le vide sécuritaire. Mais à mon sens, c’est un vide qui existe déjà, parce que s’il n’existait pas, on n’aurait pas eu une deuxième crise du M23.

Afrikarabia : Est-ce que, d’une manière générale, on n’assiste pas à la fin des missions de l’ONU en Afrique ?

Thierry Vircoulon : Oui, je crois qu’on vit la fin d’une époque, celle du maintien de la paix onusien dans sa version classique, justement parce que la réforme vers l’imposition de la paix n’a pas été possible. Ces missions vont donc se terminer. Pour le moment, il n’y a plus que quatre grandes missions de maintien de la paix, qui sont toute en Afrique : au Mali, en RDC, en Centrafrique et au Sud-Soudan. On sent bien que leur nombre diminue, et qu’il n’y a plus aucune appétence de la part des membres du Conseil de sécurité pour ses missions. On arrive à la fin d’un cycle. Le temps des grandes missions de maintien de la paix de l’ONU est révolu. Essentiellement parce qu’on sent bien aussi que le temps de l’ONU est révolu. Le Conseil de sécurité des Nations unies est aujourd’hui complètement paralysé par la nouvelle guerre froide dans laquelle nous nous trouvons et par le clivage entre les membres du Conseil de sécurité.

Afrikarabia : Il y a peut-être également des difficultés pour trouver les financements et les pays contributeurs pour ces missions ?

Thierry Vircoulon : Il n’y pas de difficultés pour trouver des pays contributeurs, par contre, il y a une grande lassitude de la part des financeurs. Pendant l’administration Trump, les Etats-Unis ont diminué leur contribution au budget du maintien de la paix, ce qui fait que les Chinois sont devenus des contributeurs importants. Mais il n’y a pas un appétit important des bailleurs pour financer les opérations de maintien de la paix.

Afrikarabia : La Chine ne cherche-t-elle pas à s’impliquer davantage dans ces missions ?

Thierry Vircoulon : La Chine a mené, jusqu’à présent, une stratégie qui consistait à devenir un bailleur de plus en plus important du DPKO, le Département des opérations de maintien de la paix, et à envoyer des contingents dans certaines missions de maintien de la paix comme le Sud-Soudan, ou le Mali. Mais on ne sent pas que la Chine a la volonté d’être le principal pilier du maintien de la paix. Je pense que la stratégie visait plutôt à avoir une influence et non pas à prendre le « lead » sur ces opérations. Mais je peux me tromper parce qu’il y avait apparemment des velléités de Pékin pour prendre le poste de chef du département des opérations de maintien de la paix à New-York, un poste détenu traditionnellement par la France. Je ne sais pas si c’est toujours le cas aujourd’hui.

Propos recueillis par Christophe Rigaud.

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Thierry VIRCOULON

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Chercheur associé, Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri

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