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« Les choix de politique étrangère d’un futur président Biden restent disputés »

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Victorieux à l’élection présidentielle américaine, Joe Biden engagerait un retour immédiat à une diplomatie traditionnelle et donc au multilatéralisme. Mais des tiraillements sont à attendre avec l’aile gauche du parti, analyse la politiste Laurence Nardon.

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Piladelphia, May 18, 2019: Former vice-president Joe Biden formally launches his 2020 presidential campaign
Piladelphia, May 18, 2019: Former vice-president Joe Biden formally launches his 2020 presidential campaign
Matt Smith/Shutterstock
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Antony Blinken est l’un des rares conseillers de Joe Biden à donner des entretiens à la presse américaine ces temps-ci. Il s’est notamment exprimé ces dernières semaines à propos des relations transatlantiques. Il s’agissait sans doute de rassurer les milieux d’affaires américains sur les suites que donnerait une possible administration démocrate à la guerre commerciale lancée par Donald Trump, mais aussi de renforcer les positions du courant modéré au sein du Parti démocrate. En effet, les choix de politique étrangère d’un futur président Biden restent disputés.

En cas de victoire démocrate à la présidentielle du 3 novembre, le courant modéré autour de Joe Biden engagerait un retour immédiat à la diplomatie traditionnelle telle qu’elle est pratiquée par les élites de Washington, et donc au multilatéralisme : les Etats-Unis reviendraient dans l’accord de Paris sur le climat « dès le premier jour » et tenteraient de ressusciter l’accord nucléaire avec l’Iran. Après les atermoiements de Trump vis-à-vis de la Russie, on verrait le retour à Washington d’une hostilité bipartisane vis-à-vis de Poutine, tout en reprenant les négociations sur la prolongation des accords bilatéraux de désarmement New Start.

Ce courant aurait également une position exigeante sur les droits de l’homme partout dans le monde. Enfin, les principaux conseillers du candidat Biden en matière de politique étrangère ont des liens étroits avec l’Europe : Antony Blinken est francophone et francophile, Julie Smith a une longue expérience de l’Allemagne, Jake Sullivan est un ancien bénéficiaire de la bourse Rhodes à l’université d’Oxford, en Angleterre. Tous auraient à cœur de célébrer l’amitié transatlantique et l’importance de l’OTAN.

Positionnement différent

Mais la gauche du parti, représentée par Elizabeth Warren et Bernie Sanders dans les primaires démocrates du printemps, entretient un positionnement différent en matière de politique étrangère. Pour elle, le combat moral de l’Amérique dans le monde ne doit pas tant porter sur la défense de la démocratie que sur celle des citoyens les plus pauvres. Plutôt que la liberté, c’est l’égalité qui lui importe. De plus, les Etats-Unis doivent se garder d’entamer des interventions militaires qui, même bien intentionnées, tombent le plus souvent à leurs yeux dans l’impérialisme. Rallié depuis avril à la candidature de Biden, ce courant radical a voulu faire entendre ses vues. Contrairement à Hillary Clinton ignorant Bernie Sanders en 2016, Joe Biden s’est montré plus ouvert, écoutant les opinions de ses anciens rivaux, portées notamment par le conseiller de politique étrangère de Sanders, Matt Duss.

Les positions des deux courants s’avèrent pourtant irréconciliables sur certains sujets comme, par exemple, Israël. A l’image de l’ensemble de la classe politique américaine, Joe Biden affiche un soutien total à l’unique démocratie du Moyen-Orient. Il a déjà annoncé qu’il ne ramènerait pas l’ambassade des Etats-Unis, transférée par Trump à Jérusalem, à Tel-Aviv. En revanche, le camp Sanders souhaite prendre la défense des Palestiniens opprimés, une exception dans le contexte politique américain.

Autre changement de cap, après avoir incarné le libre-échange lorsqu’il était vice-président de Barack Obama (2009-2017), Joe Biden a fortement évolué sur cette question, se rapprochant des positions de la gauche du Parti démocrate. Il n’est pas certain qu’il efface toutes les mesures lancées par le président Trump, y compris celles qui touchent les partenaires européens.

En effet, la guerre commerciale engagée par Trump depuis janvier 2018 est justifiée par un objectif de défense des classes moyennes qui est de fait partagé par la gauche radicale. Pour cette dernière, le libre-échange sans entrave mené des années 1980 à aujourd’hui a nui à la classe ouvrière américaine. Elle n’est pas partisane d’un retour en arrière et Biden les suit désormais sur ce point : « il n’y a pas de retour aux affaires comme d’habitude sur le commerce », dit-il sur son site de campagne.

« Guerres commerciales artificielles »

La liste des sujets de fâcherie transatlantique en matière commerciale est longue, avec des griefs de part et d’autre. Certains sont gérés dans le cadre des institutions internationales. Après avoir condamné l’Union européenne il y a un an pour ses subventions à Airbus, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient de condamner les Etats-Unis pour leurs subventions à Boeing, autorisant les Européens à surtaxer les importations américaines à hauteur de 4 milliards de dollars.

En septembre, Blinken dénonçait pour sa part les « guerres commerciales artificielles » lancées par Trump. Sans doute faisait-il allusion aux tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, imposés à l’Europe en juin 2018, et qui sont toujours en place aujourd’hui. Mais il n’hésitait pas pour autant à annoncer vouloir entamer des discussions avec les Européens pour réduire le déficit commercial de son pays sur les produits agricoles, dénonçant les réglementations européennes trop pointilleuses à ses yeux – un chiffon rouge pour les Européens.

De leur côté, ces derniers continuent à défendre l’idée d’une taxe sur les services numériques. La France a suspendu jusqu’à la fin de l’année l’application de sa propre version de la taxe GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), en attendant le redémarrage de négociations sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais une administration Biden aurait certainement à cœur de défendre ses fidèles donateurs de la Silicon Valley. Un indice : le programme démocrate ne contient aucune proposition pour lutter contre les vastes monopoles du secteur numérique. L’optimisme n’est donc pas de mise.

La méthode d’une nouvelle administration démocrate serait beaucoup plus ouverte et conciliatrice que celle à laquelle nous avons affaire aujourd’hui. La possibilité d’établir un front transatlantique commun face aux pratiques commerciales chinoises, par exemple, est une perspective favorable. Par ailleurs, le retour d’une diplomatie américaine plus souple vis-à-vis de l’Iran permettrait peut-être aux entreprises européennes de renouer avec leurs partenaires iraniens.

Laurence Nardon, chercheuse, dirige le programme Etats-Unis de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

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Laurence NARDON

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Responsable du Programme Amériques de l'Ifri

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