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Les sanctions internationales : une arme à double tranchant

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  Jacques Hubert-Rodier
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Depuis la chute du mur de Berlin, Européens et Américains ont multiplié les sanctions pour amener des pays à négocier ou à plier. Mais leur efficacité est souvent limitée et contre-productive. Bombarder ou sanctionner ?

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Le 24 septembre dernier, Donald Trump promettait à la tribune des Nations unies à New York de durcir les sanctions appliquées par les Etats-Unis contre l'Iran et contre les pays tentant de contourner les mesures de rétorsion américaine.

L'ex-roi de l'immobilier new-yorkais, auteur de « The Art of the Deal » (L'Art de la négociation), espère en mettant la pression maximale amener les dirigeants iraniens à la table de négociation, comme il prétend l'avoir fait avec le Nord-Coréen Kim Jong-un. Même si son langage est peu diplomatique, il n'est pas le premier à brandir l'arme des sanctions pour remplacer celle des bombardiers. Loin de là ! Son lointain prédécesseur, Woodrow Wilson, président des Etats-Unis de 1913 à 1921, affirmait d'ailleurs qu'« une nation boycottée est une nation en voie de capitulation. Appliquez ce remède économique, pacifique, silencieux et fatal et vous n'aurez plus besoin de recourir à la force », selon des propos cités par un député norvégien, Christian Tybring-Gjedde.

1990, la décennie des sanctions

Pendant la guerre froide, la sanction est restée un instrument relativement marginal. Mais les choses ont changé après la chute du mur de Berlin.

Il a ainsi dénombré l'adoption de plus de cinquante nouveaux régimes de sanctions, dont douze par le Conseil de sécurité des Nations unies, et le reste principalement par les Etats-Unis mais aussi l'Union européenne, qui est devenue un des « grands émetteurs » de sanctions dans le monde. Trente-quatre pays étaient ainsi sous sanctions européennes en mai 2019 contre six seulement en 1991. De plus, un effet de contagion se fait aujourd'hui sentir jusqu'à l'Asie. Le Japon a ainsi récemment rétabli des contrôles pour certains produits à destination de la Corée du Sud.

L'exception sud-africaine

Mais ni le boycott d'un pays ni les sanctions n'ont remporté le succès escompté par le président Wilson. L'Iran, la Corée du Nord ou encore la Russie, punie en 2014 après l'annexion de la Crimée et son soutien militaire aux indépendantistes de l'est de l'Ukraine, n'ont ni capitulé ni accepté les conditions des Occidentaux.

« Cela n'a jamais fait tomber un régime », affirme ainsi Pascal Boniface, directeur et fondateur de l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).  A l'exception du régime d'apartheid en Afrique du Sud, il y a maintenant vingt-cinq ans.« Mais il n'y avait pas d'échappatoire possible parce que le monde entier a respecté l'embargo », ajoute le chercheur. Israël, sous la pression américaine, avait d'ailleurs fini par appliquer des sanctions.

De même, il a fallu que la Chine et la Russie se rangent à côté des Européens et des Américains pour que l'Iran accepte finalement de conclure l'accord de Vienne, le 14 juillet 2015, visant à limiter son programme nucléaire en échange d'une levée progressive des sanctions internationales.

Remise en cause des sanctions multilatérales

C'est cet édifice consensuel que Donald Trump a remis en question en dénonçant l'accord ratifié par Barack Obama. Certes, l'Iran fait face aux dures retombées économiques des sanctions américaines. Mais Téhéran n'a pas plié et se tourne vers la Russie. Car le risque des sanctions est là : c'est celui de renforcer, souligne Pascal Boniface, « l'emprise du pouvoir en place » tout en punissant la population.

Après la première guerre du Golfe de 1991,  l'Irak a été soumis au plus dur régime de sanctions jamais appliqué . Mais si la population a été durement affectée, Saddam Hussein s'est maintenu au pouvoir jusqu'à l'intervention militaire de 2003 des Etats-Unis.

  • Ce régime de sanctions fut tel que depuis, souligne Eric-André Martin, la communauté internationale a privilégié les « sanctions ciblées » comme l'interdiction de déplacements de certaines personnalités liées au régime ou contre des entreprises, en évitant de toucher directement la population.

Bachar Al Assad toujours au pouvoir

Mais est-ce efficace si l'ensemble des grandes puissances ne respecte pas les sanctions ? Bachar Al Assad, sanctionné par les Américains et les Européens, est toujours au pouvoir à Damas.

Cinquante-sept ans après le blocus décrété en 1962 par le président John F. Kennedy pour punir Cuba de l'expropriation de l'île de sociétés américaines, le régime castriste a pu survivre avec l'appui de feu l'Union soviétique puis du Venezuela.

Certes, les sanctions n'ont pas les effets dévastateurs de la guerre et peuvent avoir un rôle utile pour répondre aux inquiétudes de populations comme celles des pays voisins de la Russie, ou encore permettre une stigmatisation de proches de Vladimir Poutine.

  • « Cela devient comme le sparadrap du capitaine Haddock, il est difficile parfois de s'en débarrasser », selon Eric-André Martin.

Mais il n'est pas certain que cela soit un substitut au recours à la force brutale.
 

Cpyright Les Echos / Jacques Hubert-Rodier

> Lire l'article sur le site des Echos

 

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Éric-André MARTIN

Éric-André MARTIN

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Ancien secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri