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"Macron a su nouer une relation avec Trump"

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interviewé par Christian Makarian pour

  L'Express.fr
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Thomas Gomart*, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), analyse le style présidentiel à l'international. Un an après son élection et un démarrage en trombe sur le plan international, le bilan d'Emmanuel Macron paraît contrasté. Pourquoi ? 

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Emmanuel Macron a su imposer un style et rehausser la fonction présidentielle très affaiblie par les deux précédentes mandatures. Son style, c'est du classicisme agile, qui se traduit par une communication contrôlée, des discours travaillés, souvent longs, reflétant une vision inscrite dans la durée et une pensée construite. Son agilité et son sens du symbole lui ont permis de restaurer une image de la France passablement écornée. C'est un premier résultat incontestable. Vient maintenant le moment où ce style ne masque plus le retour de réalités profondes, impossibles à corriger en un an : un affaiblissement économique de la France ; une profonde asymétrie franco-allemande ; une influence déclinante au sein de l'Union européenne ; une perte d'efficacité et de crédibilité occidentale. Face à ces forces, Emmanuel Macron peine à enclencher une nouvelle dynamique européenne. 

 
 

Il a été élu sur une étiquette très européenne. C'est pourtant sur le sujet de l'Europe qu'il semble être à la peine. Pourra-t-il vraiment compter sur l'Allemagne ? 

Emmanuel Macron n'a jamais transigé avec son engagement européen. Il est perçu comme pro-européen à l'étranger, mais cette perception créé une double équivoque. Tout d'abord, son engagement ne signifie nullement une conversion de l'opinion française au projet européen. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler les résultats du premier tour et les suffrages obtenus par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ensuite, après le Brexit et Donald Trump, l'élection d'Emmanuel Macron a pu être lue comme un reflux de la vague populiste, terme utilisé pour décrire des situations bien différentes. Or, les résultats des élections en Autriche, en Italie, en Hongrie, et à certains égards en Allemagne (avec l'entrée au Parlement de 90 députés de l'AfD) conduisent à voir en la France une exception dans un mouvement de fond. Emmanuel Macron énonce souvent l'axiome selon lequel, sans accord franco-allemand, l'Europe ne peut avancer. En ce sens, il n'a pas plus que ses prédécesseurs d'alternative à l'Allemagne en raison du poids des deux pays au sein de l'UE, renforcé par le Brexit. En matière de convergence au sein de la zone euro, la déception est perceptible. En matière de défense, les décisions prises par le Conseil conjoint franco-allemand de juillet 2017 peuvent avoir des répercussions structurelles, mais il est trop tôt pour en juger. 

 

Peut-on parler d'un "alignement "sur les Etats-Unis, comme le font certains ? Et qu'est-ce que Macron peut raisonnablement espérer de Trump ? 

Je ne suis pas sûr que le terme "alignement" corresponde à la situation actuelle. Emmanuel Macron est le dirigeant international qui a le plus ouvertement réagi à la décision de Donald Trump de quitter l'Accord de Paris sur le climat. En dépit de cette opposition profonde, il a su nouer une relation avec Donald Trump, tout en compensant l'incertitude générée par ce dernier par la solidité des liens noués avec l'administration américaine depuis dix ans. L'invitation de Trump pour célébrer le centenaire de l'entrée des Etats-Unis en guerre a permis à Emmanuel Macron de souligner le poids de la relation transatlantique dans la politique étrangère française depuis lors. Sur la Syrie, les frappes ne correspondent pas à un alignement de Paris sur Washington, mais à la mise en oeuvre, là aussi symbolique, du discours présidentiel sur la "ligne rouge" face à l'utilisation d'armes chimiques. La crainte inavouée de Paris serait de voir Washington renoncer à combattre Daech en Syrie. En réalité, le test de "l'allié non aligné" se fera sur le dossier iranien, dans la mesure où Emmanuel Macron entendre défendre le JCPOA signé en juillet 2015. Est-il prêt au bras de fer diplomatique avec Donald Trump sur ce sujet? C'est le moment de vérité pour l'Elysée. 

Macron est-il susceptible d'obtenir une forme d'inflexion de la part de Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine ou de la Syrie ? 

Au regard des évolutions récentes du régime russe, de la réélection triomphale de Vladimir Poutine et de la dégradation préoccupante des relations russo-américaines, obtenir une inflexion de Vladimir Poutine sur l'Ukraine et sur la Syrie n'est sans doute plus l'objectif immédiat. Celui-ci est plutôt de marquer des coups d'arrêt face à un régime qui semble décidé, plus que jamais, à exploiter le désarroi occidental par des actions combinées de grande ampleur. Ukraine et Syrie sont deux théâtres liés, mais très dissemblables. Sur le premier, le Kremlin pourrait presque du jour au lendemain mettre fin à la situation. Sur le second, la situation est beaucoup plus complexe : il joue un rôle clé mais ne détient pas seul la solution politique. Pour Paris, ces deux conflits sont désormais interprétés comme les symptômes d'une manoeuvre d'ensemble. 

Macron, an I. Quelle politique étrangère ?, de Thomas Gomart & Marc Hecker (dir.), Etudes de l'Ifri, Ifri (Institut Français des Relations Internationales), avril 2018. 


Thomas Gomart est par ailleurs Docteur en histoire des relations internationales à Paris-I Panthéon-Sorbonne. 

 

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Thomas GOMART

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