« Merkel refuse un quota annuel de migrants mais ce sera un enjeu des élections de 2017 »
L’aile conservatrice de la CDU et la CSU veulent imposer un tournant à Angela Merkel sur la question migratoire mais ne souhaitent pas son départ. Le secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri analyse l’impact politique de l’attentat de Berlin.
La Croix : Quel peut être l’impact politique de l’attentat de Berlin ?
Hans Stark : Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AFD) instrumentalise à fond l’attentat en rendant Angela Merkel responsable de la mort des victimes. De son côté, Horst Seehofer, ministre président du Land de Bavière et président de l’Union chrétienne-sociale (CSU), la personnalité la plus critique à l’égard d’Angela Merkel depuis des mois, a déclaré qu’il fallait reconsidérer de fond en comble la politique en matière d’immigration et de sécurité, une façon indirecte de rendre la chancelière responsable de l’attentat.
L’aile conservatrice de la CDU (Union chrétienne-démocrate) et la CSU demandent depuis longtemps un durcissement de la politique envers les migrants, qui deviendrait plus proche de la politique autrichienne. Ce durcissement a d’ailleurs déjà commencé. En 2016, l’Allemagne a accueilli trois fois moins de migrants qu’en 2016, elle a modifié ses procédures de droit d’asile et augmenté de 150 % les procédures de renvoi.
La CSU réclame en outre depuis des mois l’instauration d’un quota annuel de migrants en menaçant de ne pas soutenir la chancelière pendant la campagne des élections législatives en 2017. Si l’Allemagne copiait l’Autriche en adoptant un tel système, cela reviendrait à accueillir 200 000 migrants par an. Cette question pourrait devenir un enjeu très important de la campagne et elle suscitera des tensions entre la CDU et la CSU.
Toutefois, si l’aile conservatrice de la CDU et la CSU veulent imposer un tournant à Angela Merkel sur la question migratoire, elles ne souhaitent pas son départ. Angela Merkel conserve une popularité importante après onze années de pouvoir et la CSU pense surtout aux élections régionales de Bavière en 2018.
Angela Merkel peut-elle accepter d’instaurer un quota annuel de migrants ?
H. S. : Jusque-là, elle s’y est toujours refusée. Si elle l’acceptait, après avoir si longtemps résisté, cela risquerait d’être interprété comme une preuve de faiblesse.
L’AfD va-t-elle tirer un bénéfice en élargissant sa base électorale ?
H. S. : L’AFD plafonne depuis plusieurs mois autour de 11 %, un score suffisant pour entrer au Bundestag. Le parti reste très divisé entre différents chefs de file qui se déchirent. Ses électeurs sont en majorité d’anciens abstentionnistes. Les autres viennent en bonne partie de la CDU, le reste de l’extrême gauche et des sociaux-démocrates du SPD. Ce sont majoritairement des hommes entre 25 et 35 ans, domiciliés dans les Länder de l’est de l’Allemagne et issus des catégories sociales déclassées et à la classe moyenne, inquiète de l’avenir.
Où en sont les autres formations politiques ?
H. S. : Si les libéraux passent la barre des 5 % des suffrages, six partis devraient être représentés au parlement à l’issue des prochaines élections législatives en 2017. Dans cette hypothèse, il sera difficile de former un gouvernement sans refaire une grande coalition entre la CDU et le SPD.
La CDU reste le parti le plus populaire, en tête des intentions de vote au niveau national, devant le SPD. Mais les chrétiens-démocrates ont du souci à se faire au niveau de leur représentation régionale. Si quelque chose devait arriver à Angela Merkel, il y aurait toujours Wolfgang Schäuble, proche des conservateurs de la CDU, pour prendre la relève. Derrière lui, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen et Julia Klöckner, député CDU de Rhénanie-Palatinat, peuvent également jouer un rôle.
Lire l'entretien sur le site de "La Croix".
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