Pékin impose sa « pax sinica »
En une ou deux générations, la Chine a réussi à sortir de la pauvreté maoïste pour se hisser au rang de deuxième puissance économique mondiale. Au XIXe congrès, en octobre 2017, le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, qui venait d’être consacré pour un deuxième mandat de cinq ans, a fixé la feuille de route d’ici 2050 : « prendre une place encore plus centrale sur la scène internationale. »
Bref, si l’on lit entre les lignes des discours jargonnants, il s’agit de dépasser les Etats-Unis et de façonner un nouvel ordre mondial où l’hégémonie américaine est remise en cause. Si les défis intérieurs sont nombreux – trouver un nouveau modèle économique, stimuler l’innovation, lutter contre la pollution et les inégalités –, les enjeux diplomatiques le sont tout autant.
C’est ce que montre l’ouvrage collectif dirigé par Alice Ekman, responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Elle a réuni sept autres spécialistes francophones de l’ex-Empire du milieu. Et leurs huit contributions permettent un tour d’horizon complet sur les conséquences de l’engagement croissant de Pékin sur la scène internationale.
Adieu au « profil bas » de Deng Xiaoping
La Chine de Xi – dont le mandat est caractérisé par un « véritable activisme diplomatique », écrit Jean-Pierre Cabestan dans un chapitre consacré à la diplomatie de l’homme fort de Pékin – a dit adieu au « profil bas » prôné par Deng Xiaoping à la fin des années 1970 : la croissance économique a entraîné une puissance géopolitique, un « droit à la parole » affirmé de la puissance asiatique et des revendications territoriales assumées en mer de Chine. La modernisation de l’armée, marquée par une grande réforme lancée fin 2015, est au service de cette « renaissance chinoise », remarque Antoine Bondaz.
Mais cette présence renforcée, avec la mise en avant des nouvelles routes de la Soie caractérisées par des investissements importants, entraîne aussi des devoirs nouveaux, comme celui d’assurer la protection de ses ressortissants, touristes ou ouvriers : ils seraient cinq millions. Et, pour Pékin, estime Mathieu Duchâtel, cela « pose une question de fond sur l’avenir du principe de non-ingérence, une ligne directrice qui guide la politique étrangère chinoise depuis sa formulation par Zhou Enlai au début des années 1950 ».
En tout cas, si la confrontation armée avec Washington n’est pas certaine, car Pékin aurait beaucoup à y perdre en raison de l’interdépendance économique entre les deux pays, le régime chinois cherche malgré tout à réorganiser la région Asie-Pacifique « de façon à dépasser la structure actuelle basée sur le système d’alliances américain », argumente Alice Ekman. Une « pax sinica » en quelque sorte, que pourrait faciliter l’isolationnisme du président américain Donald Trump.
« La Chine dans le monde », sous la direction d’Alice Ekman, CNRS Editions, 272 pages, 23 euros.
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