Quel avenir pour le sommet du G7 ?
La volte-face de Trump torpillant, après la fin du sommet, la déclaration commune négociée à La Malbaie (Québec), les 8 et 9 juin, interroge sur l’utilité d’une telle instance. Un sommet du G7 tient en général plus de l’entre-soi informel que d’une arène de boxe ou d’un directoire des affaires de la planète, ce que jamais cette instance, créée il y a quarante-trois ans à l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing, n’a prétendu être.
Année après année, les dirigeants des principales puissances industrielles et démocratiques (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon, Italie et Canada) se réunissent dans des lieux très symboliques – toujours plus barricadés contre de possibles contestataires ou terroristes –, dissertent, se congratulent et posent en souriant pour la photo de famille avant de signer une déclaration commune, aussi générique que généreuse, sur les grands défis de la planète.
Lieu de concertation plus que de décision, le G7 représente la quintessence de « la diplomatie de la connivence » que pourfend Bertrand Badie, professeur à Sciences Po Paris. Faute de vrais enjeux, les polémiques se sont à l’occasion polarisées sur des questions aussi essentielles que la cravate portée par François Hollande, en mai 2012 à Camp David, alors que tous les autres, à commencer par l’hôte Barack Obama, étaient col ouvert.
« L’alternative est un duopole mondial sino-américain »
La volte-face de Donald Trump torpillant, à peine quelques heures après la fin du sommet de La Malbaie (Québec) des 8 et 9 juin, la déclaration commune laborieusement négociée, interroge sur l’utilité d’une telle instance. Aucun de ses partenaires n’imaginait, certes, qu’il se sente réellement engagé par un texte, même s’il avait apposé sa signature sur 27 des 28 points à l’exception de celui sur le climat. Le document commun, non contraignant comme de règle au G7, rappelait les grands fondamentaux, notamment sur le commerce international.
Les apparences étaient sauves mais le G6 + 1 que tous voulaient éviter est finalement devenu un G6 contre un. C’est un échec pour Emmanuel Macron, qui souhaitait créer un front commun des Européens avec le Japon et le Canada et engager un rapport de force, sans pour autant rompre avec M. Trump. C’est surtout un défi car la France prend en 2019 la présidence du G7.
« Quand tout le monde était d’accord comme ces dernières années, on se demandait à quoi il servait, quand il y a des tensions comme maintenant, on se demande aussi à quoi il sert… Or il sert à contenir les tensions par le dialogue », expliquait lors de la conférence de presse finale M. Macron, d’autant plus convaincu de l’utilité du G7 que « l’alternative est un duopole mondial sino-américain avec des puissances intermédiaires plus ou moins violentes ». La crise ouverte par M. Trump est révélatrice des limites et des faiblesses de cette instance dont les membres pèsent quelque 40 % du PIB mondial mais ne représentent que 12 % de la population.
« Avant même que Trump n’entre en scène, il était déjà évident que le G7 devait évoluer pour retrouver son attractivité », souligne Pierre Vimont, ancien ambassadeur français et ex-numéro deux de la diplomatie de l’UE, aujourd’hui chercheur au Carnegie Europe, soulignant « qu‘il y a un risque de blocage total si chaque sommet doit se conclure sur le constat de désaccords fondamentaux ».
Réintégrer la Russie
Ce club d’abord à 5 – Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon – avait été mis sur pied en 1974 pour discuter, de façon informelle, de la crise du dollar et des conséquences du premier grand choc pétrolier. L’Italie et le Canada furent ensuite cooptés (respectivement en 1975 et 1976). Puis la Russie en 1997, avant d’en être exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée. Cette cohérence, avec un nombre limité de pays tous démocratiques depuis la suspension de la Russie, est la force du G7. « Les discussions y sont d’autant plus libres qu’il n’y a pas de décision à prendre », note un ancien diplomate, vétéran de nombreux sommets. Mais c’est aussi sa limite.
Est-il possible de sérieusement réfléchir à la sécurité internationale et à la solution des conflits, notamment au Proche-Orient, sans un acteur majeur comme la Russie ? Et comment évoquer les questions économiques alors que les grands émergents, à commencer par la Chine et l’Inde, n’en font pas partie ? C’est la raison pour laquelle fut créé, lors de la crise financière de 2008, à l’initiative notamment de Nicolas Sarkozy, un G20 réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des principales puissances économiques, représentant plus de 85 % du PIB mondial.
En prenant la présidence du G7, qui sera organisé à Biarritz à l’été 2019, la France ne peut pas s’abstenir de relancer la réflexion sur sa réforme. « Il y a une nécessité et une opportunité, explique M. Vimont. Les Européens qui en sont membres ont, avec la présidence française, la capacité de proposer de nouvelles règles pour l’ouvrir aux réalités d’un monde multipolaire. » Parfois évoquée, une fusion entre le G7 et le G20 ne serait pas la panacée.
Un tel aréopage serait trop large et trop disparate pour aller au-delà des questions économiques.
- Il y a en outre le risque, relevé depuis plusieurs années par Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales (IFRI) « de créer une sorte de séminaire de réflexion annuel des chefs d’Etat et de gouvernement sur l’état du monde, dans une position de think tank, alors que leur rôle doit être de prendre des décisions ».
Une option pourrait être un élargissement limité, notamment à l’Inde et à la Chine, et un retour de la Russie. M. Trump avait mis les pieds dans le plat en évoquant la question russe juste avant l’ouverture de la réunion. M. Macron a affirmé qu’il « aimerait » que Vladimir Poutine vienne à Biarritz mais cela implique « un geste » de Moscou sur l’Ukraine et la mise en œuvre des accords de paix de Minsk, coparrainés par Paris et Berlin, restés jusqu’ici en grande partie lettre morte.
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