RDC : le conflit du Nord-Kivu
Cela fait plusieurs mois que l'on assiste à la reprise des affrontements entre groupes rebelles et armée congolaise dans le Nord-Kivu, une région en guerre depuis plusieurs décennies. Le mouvement du M23 a relancé l’offensive dans la région en octobre 2022, étendant son influence sur de nouvelles localités. Le groupe armé affirmait le 23 décembre 2022 son retrait de la localité de Kibumba située à vingt kilomètres au nord de Goma.
De fait, une cérémonie de passation du contrôle de la ville a été organisée ce jour-là en présence de journalistes. Mais d’après plusieurs témoignages, les soldats du M23 seraient toujours présents dans la localité. Leur retrait d’autres villes et territoires conquis ces derniers mois dans le Nord-Kivu est également en suspens, faisant craindre une reprise des hostilités.
La communauté internationale s’inquiète de la reprise d’un cycle de violences nourries par les tensions communautaires, les intérêts économiques et les rivalités régionales dans la région. Mélanie Chalandon et Marc Semo reçoivent Sonia Rolley, journaliste pour Reuters et Actualité ainsi que Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire de l’Afrique centrale et orientale à l’IFRI.
"C'est surtout le symbole du fait que rien ne change depuis plus de 20 ans maintenant dans l'Est du Congo. Puisque la crise du M23 est une crise qui remet sur le devant de la scène, les mêmes acteurs et les mêmes discours. Des choses qu'on a déjà entendu lors des précédentes crises. On a fait une note à l'IFRI l'année dernière, qui en fait s'appelle à l'Est Rien de Nouveau, et c'est ça en fait, la signification de la crise du M23. C'est que depuis 20 ans à l'Est de la RDC, il n'y a rien de nouveau, pour paraphraser Erich Maria Remarque. C'est à dire qu'il y a la même politique, à l'égard de pacification, à l'égard de groupes armés et qui ne fonctionne pas." atteste Thierry Vircoulon, à l'antenne, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l'IFRI.
"Il y a les mêmes acteurs de groupes armés, qui sont toujours sur le terrain et qui survivent. Qui sont parfois en sommeil, qui après se réveillent etc. Au fur à mesure des circonstances. Par contre, il y a deux éléments un peu nouveaux dont un élément fondamental qu'on explique dans notre étude. Il y a cette économie de guerilla, cette exploitation économique par la violence, qui est devenue structurelle et structurante, qui a conduit à la formation d'une classe cleptocratique violente dans la région des Grands Lacs. Pas seulement de l'Est du Congo, là je parle de la région des Grands Lacs dans son ensemble. Et qui vit et profite de ces crises, de cette instabilité permanente. En fait, au début, c'est à dire dans les années 1990, il y avait un intérêt à faire la guerre. Mais après, toutes ces années, après deux décennies, ça devient une guerre d'intérêt. Et c'est pour ça que ça continue, parce que beaucoup de gens en profitent financièrement." soutient-il.
Sur la présence du Rwanda : "Le vrai objectif de Kagamé, c'est de maintenir toujours une mainmise sur le Nord Kivu. D'abord pour des raisons d'exploitation économique, car il a été documenté que malgré les dispositifs de traçabilité des minerais, qui ont été mis en place au Rwanda et au Congo, il y a toujours une contrebande intense de minerais entre les deux pays. Ensuite, c'est de maintenir une sorte d'instabilité, chez son grand voisin congolais, pour continuer justement à apparaitre comme une grande puissance dans la région et éviter évidemment une politique de revanche, que voudraient mener beaucoup de congolais. Alors vous vous focalisez beaucoup sur le Rwanda je trouve, mais l'Ouganda aussi fait partie du jeu du M23, ça a été aussi récemment documenté par les Nations Unies. Et donc il ne faut pas simplement parler du Rwanda dans cette affaire du M23. Il faut aussi parler du tandem Rwanda-Ouganda, alliance qui existait déjà en 2012 et qui existe 10 ans plus tard, toujours. " poursuit Thierry Vircoulon.
Pour aller plus loin :
"République démocratique du Congo : à l'est rien de nouveau", Thierry Vircoulon, Étude de l'Ifri, décembre 2022
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